1.11.09

Marronnier 09

Le marronnier* de mon blog, c'est l'Existrans, à laquelle je me joins chaque année, pour une heure ou plus en fonction de mon emploi du temps professionnel puisque chaque fois je travaillais ce jour là. Qu'importe le temps que j'y passe, à chaque fois cela me permet de revoir des amis, des connaissances, reconnaître quelques visages du paysage trans français, faire des rencontres.

Et même si je ne relate pas souvent ici cette journée, j'en profite toujours pour mettre une photo ou deux. Cette année ne dérogera pas donc à la règle ! Surtout que pour une fois j'ai pu faire la marche entière (j'ai quand même du partir avant le die-in pour être à l'heure au resto).
J'ai même été interwiewé pour une radio polonaise (!) et interrogé pour Rue89; passons sur la retranscription de mes propos, l'article vaut ce qu'il vaut, mais il est là: " Existrans : pour en finir avec les stérilisations de transsexuels"


La plupart des photos de cette marche sont sur Facebook.

Pas celle là !

La plupart des photos de cette marche sont sur Facebook donc. Je n'ai pas accepté tous les tag de photo avec ma face, mais la majorité. Ce qui officialise un grand tournant pris depuis quelques mois sur mon profil: d'un côté j'ai changé mon nom officiel (enfin, officiel... on se comprend) pour un pseudonyme, de l'autre je me suis peu à peu outé.
J'ai réalisé qu'au départ, à la création de ma page, je ne m'étais pas trop posé la question. J'avais mis un album photo sur une nuit de collage d'affiches pour l'Existrans 2007. Et puis, si mes souvenirs sont bons, tout est parti de ce fameux statut "in relationship", que je réclamais à Virginie et qui me fut accordé à la condition d'avoir le profil d'un mec disons normal... Demande à laquelle j'accédai tout naturellement puisque, réflexion faite, étant donné l'étendu de ce réseau et la difficulté de gérer son image sur la toile (grosse parenthèse, j'ai fait une gaffe à ce propos: un blog portugais où j'avais donné mon nom/prénom, ça m'a pris 4 mois et une vingtaine de message pour me faire retirer du site, malheureusement 123people le réfère toujours, donc actuellement en me recherchant dans Google, il y a en 1ère position un lien qui dit "NÃO TEMOS VERGONHA DE SERMOS TRANSGÉNEROS, TRANSEXUAIS, AMIG ...NOUS N'AVONT PAS HONTE D'ÉTRE TRANSGENRES, TRANSEXUELS/LLES, AMIS ... Eric C....... Cuisinier. Boulogne - France.", donc comment faire plus grillé), il m'a paru plus sain de ne pas trop me compromettre (raté, voir parenthèse). J'ai désactivé l'album photo, changé son nom, supprimé toute mention à l'Existrans, aux trans en général.
Et durant quasiment deux ans il en fut ainsi, je traitais chaque photo, chaque groupe, chaque ami au cas par cas, en essayant de maintenir l'illusion d'un profil de mec bio, tout de même clairement LGBTQ-phile mais qui personnellement ne se mouillait pas trop.
J'ai opté il y a quelques mois pour un pseudonyme simplement dans le but de limiter les demandes d'ajouts, spécialement de la part de vagues collègues dont je ne connaissais même pas le prénom avant de les voir sur FB... Et finalement, en juin dernier, j'ai démissionné de l'hôtel où je travaillais depuis plus d'un an. J'ai gardé quelques contacts, certains au courant de ma transidentité, d'autres pas, mais dorénavant ils ne faisaient plus parti de mon milieu professionnel. Et donc je me fous qu'ils l'apprennent, comment ils l'apprennent, et comment ils le prennent. Et j'ai réalisé que je m'en foutais pour les autres aussi. Que truc ou machine (connaissance, pote, ...) qui me connaît depuis un an ou 2, qui ne s'est "jamais douté de quoique ce soit", découvre au fil d'un album photo ou sur mon wall que, putaing, Éric c'était une meuf avant, je n'en pense pas grand chose.
Mais j'en parle parce que l'on m'en parle; des amies m'ont demandé : "taboo or not taboo ?"... J'ai marqué un tournant en évoquant cet été mon vagin (suite aux complications de mon hysté) sur mon propre wall. Je crois que je peux dire "not a taboo anymore". Je préfère que mon profil me ressemble... un peu plus.
Je pense avoir fait le tour du sujet... Maintenant, à l'heure où l'on échange son FB comme son 06, j'ai toujours en tête que lorsque je donne mon pseudonyme, je laisse à la personne la possibilité de savoir... ou pas. Parce que franchement, je ne visite pas en long, en large et en travers les profils de mes 240 "friends", et je suppose qu'ils en font autant.







Je profite de l'occasion pour raconter un peu ma vie en général (je suis là pour ça), et d'abord rassurer: je vais beaucoup mieux depuis le dernier post, tout n'est pas rose mais je me suis bien rétabli !
Du coup, j'ai pu repartir en quête d'un job; au départ, je cherchais un emploi sur Paris ou Boulogne le temps de renflouer les caisses et d'attendre l'hiver pour faire une saison à la montagne... Éventuellement au Club Med, où j'ai passé les différentes étapes de recrutement. Et puis j'ai trouvé un bon poste, dans un resto qui me plaît, près de chez moi, avec une brigade sympa, et une chef qui tient à me garder. Et un contrat au nom de Caroline... Cela m'a fait franchement bizarre en recevant ma première paye, puis ma convocation à la médecine du travail. Sophie : "Mais tu te souviens que c'est toi ?" Moi : "... Je suis trans, pas amnésique !" Bon, mais parfois j'oublie que ce prénom est toujours d'actualité... Je reçois par exemple, des catalogues Yves Rocher, et je me dit que c'est adressé à une fille qui n'existe plus. Ou alors je l'imagine en tant qu'entité purement virtuelle pour les besoins de l'administration. À présent, elle est revenu dans mon quotidien, et je ne sais pas pourquoi cela ne me passe pas au dessus, mais ça m'emmerde un peu d'encaisser ses chèques. Mais bon, ce qu'avait fait ma précédente boîte (me donner un contrat de travail au nom d'Éric) n'était pas vraiment légal donc je ne peux l'exiger de ma nouvelle entreprise...
Pour la petite anecdote, j'ai donné mes papiers à la chef, Sabrina, en évoquant, à voix basse et quelque peu gêné (nous étions en cuisine) un léger décalage entre mon identité officielle et celle que j'avais présenté; elle est revenu 10min après pour me prendre à l'écart et me dire qu'elle comprenais, qu'il n'y avait aucun problème, au contraire si moi j'en rencontrais un par rapport à ça je pouvais lui en parler, qu'elle était ouverte et d'ailleurs son frère est homo. Il est loin mon resto d'apprentissage...




*"Un marronnier en journalisme est un article d'information de faible importance meublant une période creuse, consacré à un événement récurrent et prévisible".



16.8.09

Complications

AS (ante-scriptum): je m'excuse par avance du pavé et d'avoir la flemme, pour l'instant, de l'agrémenter d'images qui le rendrait plus attrayant.



Je n'ai pas d'introduction pour raconter ce qui va suivre. Je ne sais pas trop par où commencer. J'ai pensé débuter l'histoire par mon entrée à l'hôpital, mais cela n'a pas de sens. Je ne peux pas faire l'impasse sur les heures ou les jours précédents, je suis même tenté de mettre le commencement de ce chapitre à la fin du précédent, c'est-à-dire à ma sortie du centre chirurgical d'Asnières, le 22 juillet. Non, trop long et inutile. Disons simplement que je n'ai en aucun cas respecté ma convalescence et commis bien des imprudences. J'ai eu des fuites urinaires, des saignements, puis plus rien. Alors j'ai continué.

Une semaine après mon opération, j'étais à la campagne, avec une cousine de ma mère (disons une tante, c'est plus simple), ses deux filles, mon neveu et ma nièce, tous âgés de 14 à 6 ans, et je passais mes journées avec eux. Feu de camps, nuit blanche, piscine, jeux de société, cache-cache dans les champs de maïs... Je me ménageais quelques peu au début, et me sentant en forme je participait de plus en plus à leurs activités... J'évitais de faire du vélo mais je sauta sur l'occasion d'une ballade à cheval... Je prenais le scooter... Bref !

Samedi 1er Août, rien à signaler dans la matinée, quelques longueurs dans la piscine mais aucune activité débordante. En milieu d'après-midi, invité à prendre un café chez les voisins, je demande à aller aux toilettes et je constate quelques saignements. Sitôt rentré à la maison, je mis une serviette hygiénique et retourna à mes occupations. Une heure après, il me fallu changer de serviette. Il y avait toujours dans les placards les vestiges de ma féminité et mes protections contre les cycles mensuels... Je pris le paquet "nuit", dont les serviettes sont sensées tenir 8h. Vers 19h, je commença à avoir des maux de ventres et m'allongea, mais quand l'heure du repas sonna, je pris de l'Efferalgan et rejoins la famille. Je n'ai pas fini mon assiette. De retour aux toilettes, je réalise que j'expulse des caillots de sang. Cela m'était déjà arrivé pendant les règles, alors je me suis dit qu'il ne servait à rien de s'alarmer et de déranger tout le monde, que la nuit portait conseil et que même, si ça se trouve, tout irait mieux demain. J'ai une forte tendance à apaiser et dédramatiser les situations, mais d'habitude cela ne me fait pas occulter les faits inquiétants. Comme devoir changer de serviette (nuit) au bout de 3/4 d'heure. Il me fallait dormir, et oublier, je me suis alors roulé un bon Bob qui me donna quelques vertiges et m'emporta au pays des songes.


Au petit matin, rien n'avait changé. J'ai décidé de prendre un bain et de réfléchir à la solution opportune: appeler S.O.S médecin ou carrément aller aux urgences -un dimanche, au mois d'août-. Je cherchais en m'immergeant un moment de répit car habituellement, pendant mes règles, l'eau arrêtait les saignements. Là il n'en fut rien, et en un battement de cil je me suis retrouvé dans la Mer Rouge, avec des caillots gros comme ma paume de main flottant à mes côtés. Les urgences. Le temps de m'habiller, de passer un coup d'éponge sur le sang qui maculait le sol, le rebord de la baignoire... J'ai trouvé ma tante dans la cuisine et lui ai expliqué la situation. Ni une, ni deux, elle fonça chez la voisine pour demander où m'emmener et comment y aller. Je pris le nécessaire: carte d'identité, carte vitale, paquet de tabac, feuilles OCB.

Sur le trajet en direction de l'hôpital d'Amilly, dans le Loiret, j'ai demandé deux fois à la voiture de s'arrêter pour aller changer de serviette dans un champs, ou derrière un arbre... J'expulsais alors des caillots toutes les 20min. Arrivé à l'hôpital, je cherchai encore les toilettes dans le couloir menant aux urgences. Et ma tante, ayant trouvé les urgences, me chercha pendant que j'étais aux toilettes. Au final, arrivé à l'accueil, j'ai raconté en deux phrases mon malheur: "J'ai eu une hystérectomie il y a plus d'une semaine. Je perds du sang." "-Beaucoup ?" "- Oui." Elle me demanda de contourner le comptoir pour entrer dans une pièce où m'attendait un fauteuil roulant, de là on m'emmena dans une chambre à porte coulissante et je fus allongé sur un brancard. Ma tante me raconta par la suite que les gens qui attendait, assis, à l'accueil des urgences, protestèrent contre ma rapide admission ! Je comprends qu'ils n'aient pas jugé mon cas plus important que le leur, puisque je m'étais présenté manifestement valide, marchant sur mes deux pieds, et sans traumatisme apparent...


Allongé donc, en caleçon, un drap me recouvrant tout le bas du corps, je vis 3 personnes s'activer autour de moi, à vérifier mes constantes vitales (pouls, tension artérielle, fréquence respiratoire, température), me toucher, me palper, me piquer, récolter les premières informations de mon dossier... Puis un médecin m'annonça que je devais subir un examen gynécologique, donc être envoyé à ce service, avant de, ajouta-t-il, peut-être pouvoir rentrer chez moi ! À ce moment là, dans ma tête, je disais "non, mais ça va pas, vous pouvez pas me renvoyer dans cet état !"... Je me sentais, depuis le trajet en voiture, de plus en plus affaibli et mes maux de ventre, violents, revenaient par intermittence. Peut-être disais-t-il cela pour me rassurer, mais ce fut l'effet contraire. Et comment pouvais-t-il avancer une telle chose alors que personne n'avait encore soulevé le drap, personne n'avait constaté la fréquence et la quantité de sang que je perdais !

J'attendis une dizaine de minutes, peut-être plus, avant qu'un brancardier ne m'emmène au service gynéco. Il laissa mon lit dans le couloir, où j'attendis la gynécologue de permanence ce jour là. Mais depuis qu'on m'avait pris en charge, je n'avais pu me changer, mon sang débordait de ma serviette, de mon caleçon, je décidai tout bonnement de l'enlever. La Doctoresse arriva et me donna ma première culotte jetable muni de sa protection (qu'ils appellent pudiquement "garniture") -il y en eu tant d'autres-. L'examen se révéla impossible; elle me demanda si j'avais déjà eu des relations sexuelles avec pénétration vaginale, je répondis par l'affirmative et elle choisi alors un instrument d'une taille moyenne qu'elle tenta d'insérer dans mon vagin afin d'y voir quelque chose... Mais j'ai hurlé de douleur dans la seconde. Elle essaya deux autres tailles et ces tentatives échouèrent également. Finalement, je passa dans une autre salle pour une échographie pelvienne. Elle me demanda si j'avais mangé aujourd'hui. Deux prunes vers 7h, je n'avais mangé rien d'autre, ni bu de la journée, et je compris ce que cela signifiait: il était question de jeûne, et donc d'opération... Sauf qu'on ne savait pas d'où venait les saignements, l'échographie ne rendant pas grand chose, il me fallait un scanner.

À partir de là, je ne quittai plus mon lit et ma journée fut un défilé de plafonds - plafonds de couloir, d'ascenseur, diverses pièces, différents étages -...Pour les étapes essentielles: on me ramena au service des urgences, dans ce que j'appellerais la "salle d'attente des brancards": nous y étions 6 à se croiser, à part moi, que des octogénaires. Une infirmière vint me chercher et m'emmena dans une pièce pour me faire un bilan sanguin (six tubes) et m'installer mon intraveineuse. Puis on m'emmena au scanner. Salle d'attente. Pièce privé pour changer ma "garniture". Salle d'attente. Service gynéco, où le brancardier, le même que la première fois, me fit "j'vous ramène à l'échographie, j'sais pas pourquoi" sans que je ne lui demande rien. Mais c'était encore une autre pièce que la première visité, munie d'un siège gynéco, je retrouva ma doctoresse qui confirma qu'il fallait m'opérer et expliqua que le scanner avait bien révélé les saignements mais que l'on ignorait l'origine, pour compliquer la chose elle ne pouvait chercher des indices dans mon compte-rendu opératoire de l'hystérectomie (j'y reviendrais à la fin), et que là elle allait m'installer une sonde urinaire, et un autre truc dans le vagin mais cela m'arracha des cris de douleurs et elle se résolu à le faire pendant mon anesthésie. Elle me prévient alors que l'opération se ferait par incision abdominale, c'est-à-dire la procédure que je voulais éviter lorsque j'ai choisi l'hystérectomie que la coelioscopie. Mais à ce moment là, tout m'était égal. On me conduisit alors dans la chambre qui allait être mienne pour toute mon hospitalisation. J'étais arrivé à 11 heures aux urgences, il é

tait 16h40 et mon opération était prévu pour 17 heures.

Je n'attendis pas longtemps que l'on vienne me chercher, direction le bloc opératoire...



Mon réveil fut terrible: à la seconde où j'ai ouvert les yeux, j'ai ressenti une douleur fulgurante, au ventre, à la tête, partout, je ne savais pas où, mais j'avais mal, je pleurais, je hurlais. Entre deux convulsions, je ressentais un besoin irrépressible de vomir ou de cracher, et je crachais tant que je pouvais, alors que ma gorge était sèche comme le désert... Mais étant toujours sous les effets de l'anesthésie, le monde extérieur, la salle de réveil, le médecin m'apparaissaient flou, comme dans un rêve. J'ai entendu que l'on m'engueulait pour que j'arrête de cracher, et puis j'ai entendu "cannabis" et l'on m'a demandé si je fumais, je décrocha un oui, "régulièrement ?", la deuxième affirmative fut un effort terrible, entre deux spasmes. J'ai entendu "morphine"... Et puis plus rien.



J'ai repris conscience dans ma chambre, une heure plus tard, peut-être deux. Une infirmière était en train de m'installer une intraveineuse, et je découvris que d'autres tuyaux sortaient de mon corps : la sonde urinaire était reliée à une poche d'urine accrochée à mon lit, de même que la poche qui recueillait le sang évacué par le drain qui me sortait du ventre, en bas à droite. Je constata avec soulagement que j'avais trois pansements, sur les trois cicatrices originelles de ma coelioscopie, et aucune incision abdominale. La docteur m'expliqua par la suite qu'avec la caméra, ils ont pu vérifier que les saignements provenaient exclusivement du vagin, dont les points de sutures avaient sautés, et qu'il n'y avaient aucune autre lésion dans mon ventre donc ils ont pu se passer de me taillader le bide.

Je n'avais plus de douleurs particulières, mais je me sentais toujours extrêmement mal, faible et fiévreux. Et surtout, je mourrais de soif. Il était dimanche soir et je n'avais pas bu depuis la veille et bien que l'intraveineuse était sensé me réhydrater, elle ne pouvait calmer ma gorge en feu. Mais je ne pouvais boire à cause de l'anesthésie, et les infirmières me donnèrent des compresses humidifiées, à passer sur les lèvres, ce qui déjà m'apaisait quelque peu... à peine. J'essayais de sucer, d'aspirer l'eau de ces compresses, mais chaque goutte me donnait la nausée et je vomis de la bile plusieurs fois. Je m'endormis.


Lundi matin, petit déjeuner. Un bol de thé, deux sucres, deux biscottes et du beurre. Je me suis forcé à terminer. Vint le moment de la toilette et ma rencontre avec mes deux infirmières préférées; elles firent passer agréablement un moment extrêmement rabaissant, à la fois gênant et infantilisant: se faire nettoyer comme un bébé à qui l'on change sa couche. Elles discutaient, riaient, plaisantaient et me faisaient parler. La toilette du haut fut une autre histoire. Il me fallait être assis, sur une chaise située juste à côté de mon lit, et me nettoyer à une bassine. Je mis déjà un petit bout de temps à me redresser sur le lit, à bouger mes jambes, à prendre le réflexe de les mouvoir ensembles, et non pas l'une après l'autre au risque de déchirer à nouveau mon vagin. Ensuite j'ai dû m'accrocher en serrant mes bras autour de la taille de l'infirmière - qui sentait fort bon, un parfum agréable et rassurant - pour descendre du lit et faire les deux pas jusqu'à la chaise. M'asseoir me causa quelques vertiges et la sonde urinaire me fit franchement mal. L'autre infirmière m'apporta un coussin gonflable troué au milieu et je pu commencer à me savonner.

Je n'ai plus quitté mon lit de la journée, qui se passa entre lectures, sieste, visites de ma gynéco, des infirmières venant vérifier mes constantes, changer mes intras (-veineuses) ou répondant à mon appel, sieste, visite de la famille, sieste...

J'ai eu beaucoup d'intras: des petites poches, des grandes, des flacons, que cela soit des anti-douleurs ou des médicaments. En milieu d'après-midi, j'ai appris que j'avais perdu tellement de sang que j'avais frôlé la transfusion. J'étais maintenant anémique et fut gratifié à ce titre d'une poche noire, dont le sombre liquide devait s'écouler jusqu'au lendemain. L'infirmière m'a expliqué ce qu'elle contenait exactement, une forte dose de fer et autres éléments nécessaire à la création de l'hémoglobine, je crois,mais je ne me souviens plus vraiment. En règle générale, chacune était soucieuse de m'expliquer la nature et l'objectif des diverses substances que l'on m'administrait, et de tout les soins que l'on me prodiguait. Je n'ai pas retenu grand chose. Le fait qu'elles aient toutes la même version suffisait à m'assurer que tout cela avait un sens, et de toute façon je m'abandonnais totalement entre leurs mains. Et lorsque la douleur m'arrachait un cri, des pleurs, elles cherchaient milles solutions pour m'ôter cette peine, même lorsque je ne le demandais pas expressément. Et à cause de ce traitement, ma tension devait être vérifiée toutes les quinze minutes, si bien que j'étais relié à la machine en permanence, et durant plus de douze heures le brassard du tensiomètre gonflait, comprimant mon bras, ponctuellement à chaque quart d'heure.

L'effet secondaire de ce traitement fut une migraine terrible, à me tordre dans mon lit, et les infirmières désarmé ne pouvait plus m'administrer d'anti-douleurs. Le sommeil était mon seul salut. En début de nuit, je fis pris de nausées et je vomis dans mon lit, n'ayant eu le temps d'appeler l'infirmière de garde. Mais elle arriva à temps pour la deuxième tournée. J'avais toujours mal à la tête. Il me fallu me lever, avec toujours la même difficulté, et me m'asseoir sur la chaise pendant qu'elle refit mon lit. Je fus pris d'une violente crise de larmes qui était surtout un gros craquage.

La nuit se déroula ensuite sans autre incident, dans un sommeil paisible.


Mardi, au réveil, les deux infirmières du matin m'annoncèrent qu'elles allaient, après le petit déjeuner, me libérer de toutes mes entraves. Intraveineuses, sonde urinaire, mèche vaginale, drains, pansements divers. Heureux de cette nouvelle, je redoutais cependant l'enlèvement de la sonde urinaire, qui me gênait à chaque mouvement et avait déjà causé de vives douleurs; j'ignorais qu'elles n'étaient rien en comparaison de ce qu'allait me faire vivre la mèche vaginale.

Si jamais je devenais acteur, et que je devais interpréter une scène d'accouchement emplie de douleurs et de hurlements, je me servirais de cette expérience. Il faut d'abord que j'explique ce qu'est cette mèche: c'est une bande de tissu, large de 3 cm environ, longue comme la distance Terre-Lune (non je n'exagère pas ! à peine...), avec laquelle on bourre le vagin (il n'y a pas d'autre mot) pour éviter les saignements dus à la plaie suturée située au fond, à la manière d'un compresse. Eh bien, après avoir enlevé ma sonde urinaire, ce qui fut juste fort désagréable, il était l'heure d'enlever la compresse. 9h30. Pour cela, une seule solution: tirer sur la mèche.

J'aurais dû me méfier lorsqu'avant de commencer, une infirmière se tint à mes côtés, et me donna la main. Que je broya aussitôt. Celle qui tirait fit le mouvement plus doux, plus lent. La deuxième se mit à verser de l'eau en continu sur mon entrejambe, pour humidifier la mèche. La déchirure que j'avais ressenti se remplaça par une douleur à peine moins intense, toute aussi insupportable. Le problème venait du fait que je ne lubrifiais plus du tout, et le tissu raclait mes parois vaginales. Comme si l'on avait introduit durant mon anesthésie une lime à métaux dans mon vagin et que l'on tentait à présent de la retirer.

Etant en train de souffrir le martyr sur un lit d'hôpital, les jambes écartées, pendant qu'on essayait d'extraire quelque chose de mon vagin, j'avais déjà en tête la comparaison avec un accouchement, et je me disais que c'était pénible, mais qu'il fallait en passer par là, que la fin était proche. À chaque fois que mes cris se transformaient en hurlements, elles arrêtaient leurs manoeuvres, le temps que je me calme, et on recommençaient tous: l'une à arroser, l'autre à tirer, moi à crier. Et tout d'un coup, j'eue encore plus mal. En fait, ce n'était que le début, car voici que venaient les noeuds. Parce qu'il fallait faire des noeuds à cette foutue mèche pour qu'elle remplisse au mieux sa fonction. Et forcément, cela passait encore plus difficilement... 3L d'eau avaient déjà été versé sur mon sexe, et ce n'était que le début... Finalement, elles coupèrent toute la partie de tissu déjà extraite. Il était 10h15. À 10h30, on m'enleva le drain. Douleur, douleur, douleur... C'était le mot phare de cette matinée. J'ai senti distinctement le tuyau traverser mon ventre pour sortir.

À 11h, une infirmière se présenta avec une solution, ou plutôt un palliatif à la douleur: une énorme seringue munie non pas d'une aiguille mais d'un long tuyau, avec laquelle elle injecta de l'eau directement au fond de mon vagin afin d'humidifier la mèche et de rendre moins douloureux son passage. Il me fallu attendre un quart d'heure, le bassin surélevé, les jambes écartées, afin que l'eau imbibe bien le tissu au lieu de s'écouler, puis on recommença. Arroser, tirer, crier... certes moins fort. Et puis rapidement, les bénéfices de cette opération diminuèrent, et la douleur redevint aussi vive.

À 11h45, un médecin arriva, un grand noir que je n'avais jamais vu avant, et que je ne reverrais jamais après. Cette intrusion fut la seule qui me gêna, durant toute cette hospitalisation où nombre de gens passèrent devant mon entrejambe ou y firent quelques soins. Parce que c'était un homme (tous les autres -gynéco, infirmières, aides-soignantes- furent des femmes), entré sans frapper, sans se présenter, au moment où j'étais le plus faible, où je me sentais le plus nu... Mais bon, je n'étais pas en état de manifester une quelconque pudeur, et il avait une solution. On me fit une autre injection vaginale d'eau, cette fois-ci couplé à de la bétadine. Et ce fut un succès.

Il était 12h20 et, putain, j'étais libre. J'étais toujours faible, j'avais encore mal et beaucoup de difficultés à me lever mais mon corps était libéré de tout - tuyaux, compresses...-.


Même si je suis resté à l'hôpital jusqu'à jeudi, c'était la fin de l'hospitalisation tel que je l'entends, lorsque tu es totalement dépendant pour les soins, pour la toilettes, pour manger, boire et pisser...À partir de là vint le temps de la convalescence: les infirmières ne faisaient plus que vérifier l'état de mes constantes vitales, et me donner des ampoules et quelques comprimés -principalement pour soigner mon anémie-, et pour passer prendre de mes nouvelles de manière professionnelle, à chaque relève... Et aussi de façon plus informelle, car quelques unes m'ont prises en affection. Peut-être était-ce parce que j'étais le seul patient masculin du service de gynéco, peut-être quelques unes ont été touchés par ce qu'elles appelaient mon "combat", non pas mon hospitalisation mais l'ensemble du processus de passage de fille à garçon, sur lequel elles m'interrogeaient parfois, avouant être totalement étrangères au sujet... Elles ont senti ma détresse les premiers jours et mon amertume, cette tristesse mêlé de colère, principalement dirigé contre moi-même et ma bêtise; à être ainsi cloué au lit pour n'avoir pas su me ménager, pour n'avoir pas respecté ma convalescence, à cause de cette opération dont je n'avais même pas besoin, médicalement parlant... Peut-être, aussi, étais-je tout simplement un patient aimable.

Ce qui est sûr, c'est que je n'ai pas manqué d'amour ! Que ce soit les visites de la famille, cette carte de mes neveux et petits cousins, avec des pétales de fleurs collées dessus, où tout le petit monde présent à la campagne a signé, y compris les voisins, et ma meilleure amie qui a pris le train de Paris pour me voir 2h, et me montrer les photos de notre séjour à New-York et de son road-trip ! Ainsi que les témoignages d'affection des infirmières et aide-soignantes donc, l'une passant me dire aurevoir et "courage pour la suite" alors même qu'elle ne travaille plus dans ce service ce jour-là, l'autre à ajouter à mon plateau repas une belle tomate mûre, juteuse, de son jardin, qui a été la meilleure chose que j'ai mangé de tout ce séjour (en même temps cela n'est pas difficile de concurrencer la bouffe de l'hosto !)...

Aurélie, qui est passée me voir mardi après-midi, m'a trouvé bien jaune ! Mais le soir même l'infirmière qui passait faire son tour de garde était contente de me voir en bien meilleure forme que la veille, et de fait j'ai vite commencé à me rétablir. Mercredi s'est écoulé tranquillement et je suis sorti jeudi, avec des prescriptions de médicaments et d'analyses à faire à la fin du mois.

Deux jours plus tard, je continuais ma convalescence en Corse, car "quitte à devoir rester allongé autant l'être sur un transat au soleil", et en une semaine j'ai bien repris des forces, sans bien sûr retrouver une forme olympique. Naturellement, j'ai fondu, au niveau des graisses (un peu) et des muscles (beaucoup); j'ai perdu 3 kg, tombant à 47 ! Un coup de vent peut m'emporter !





Convalescence en Corse (la preuve avec mes cachetons sur la langue !)



Je raconte tout cela, dans les détails, d'abord parce que je m'emmerde profondément (ma convalescence m'obligeant à rester inactif) et ensuite, surtout, pour me souvenir et témoigner de ma bêtise, que dis-je, de la profondeur abyssale de mon inconscience, et détourner toute personne voulant faire de même - ne pas respecter un temps de convalescence conséquent après une opération chirurgicale -. Parce que, comme vous pouvez le constater dans le précédent post, tout s'était très bien passé. L'opération, le réveil, l'hospitalisation... Comme sur des roulettes. Des douleurs bénignes, une remise sur pieds rapide... Comparé à ce que j'ai enduré ensuite... C'est trop con.

Maintenant, j'ai quelques reproches, tout de même, à faire au chirurgien qui m'a opéré à Asnières. Un minimum de bon sens m'aurait évité de commettre les erreurs qui m'ont conduites aux urgences, de fermes mises en garde de sa part également. Lorsque l'on a un patient qui tente de se lever dès son retour du bloc opératoire (et qui se lève ! et qui va aux toilettes !), qui dort sur le ventre la première nuit..., bref, un patient turbulent, on le prévient des probables conséquences de ses gestes et de son agitation. Pour ma mammectomie comme pour ma greffe du tympan, il y a 5 ans, j'avais eu, écrit noir sur blanc, les étapes de ma convalescence, à partir de quel moment je pouvais faire telle chose ou reprendre telle activité. Sorti de mon hysté, je n'avais en tête qu'une faible recommandation, celle de garder le repos, un temps indéterminé. Partant à la campagne le surlendemain, j'ai demandé au Docteur si je pouvais aller à la piscine: "Ah non, attendez tout de même 5 à 7 jours." Les infections, tout ça... Au village, et par pur hasard, une voisine et amie de la famille a eu la même opération, deux jours avant moi. Je lui ai demandé si son chirurgien lui avait fixé des interdits, mais non, elle fut également lâché dans la nature, avec un rendez-vous pour la rentrée. Si bien qu'à partir du moment où tout allait bien, où je n'avais plus mal, où je ne saignais plus, je n'ai pas réfléchi plus loin...

Mais ce n'est pas la première chose que je lui dirais à la rentrée. Je lui demanderais d'abord pourquoi ne m'a-t-il pas prévenu que la clinique fermait tout le mois d'août ? À ma sortie de l'hôpital, le Dr a lâché cette phrase usuelle : "Et puis si vous avez le moindre problème, vous m'appelez.". Tout en sachant qu'il serait, ainsi que sa secrétaire, en vacances en août. Ayant été opéré le 21, sorti le 22, je n'avait donc le droit de rencontrer de problème que les 9 premiers jours de ma convalescence. Surtout, ce n'était pas lui seulement qui était en vacances, mais l'ensemble du centre chirurgical d'Asnières. Fermé pour un mois. J'étais aux urgences, les jambes encore écartées sur les etriers, perdant mon sang sous les yeux de la gynéco qui me demandait le nom de mon chirurgien, son numéro -que je n'avais pas-, sa spécialité -que j'ignorais, l'hôpital -je lui ai donné le nom-,... et qui recherchait, à partir de ces informations, à récupérer mon compte-rendu opératoire. Qu'elle ne put obtenir, puisqu'au final, après avoir trouvé un numéro de téléphone, elle se heurta à un répondeur, et un renvoi vers un hôpital, qui traitait les urgences certes mais n'avait aucun accès aux dossiers du centre d'Asnières. Une impasse, du temps perdu, et Dieu sait que j'ai vu le temps s'écouler ce jour là, à la mesure du sang entre mes jambes...

23.7.09

Hysté

Une petite photo avant l'intervention !
Donc voilà, j'ai eu mon hystérectomie: je suis débarrassé de quelques centaines de grammes d'organes à priori inutiles - ovaires et utérus - et me suis définitivement condamné au traitement hormonal à vie...! 
En résumé, l'opération s'est très bien passé. Je suis rentré à la clinique d'Asnières le matin même, à 8h, et ai été envoyé au bloc à 14h; l'horloge de la salle de réveil affichait 17h30 quand je me suis réveillé, j'ai craché un peu de sang et puis me suis rallongé. De retour dans ma chambre, j'étais encore groggy sous les effets de l'anesthésie mais me suis levé pour aller aux toilettes et j'en revenait quand une infirmière entra pour me poser mes perfs (anti-douleurs et hydratation/nutrition) et me sermonna car je devais rester allongé jusqu'au lendemain... J'ai reçu la visite de mon père et me suis rendormi, quelques petites heures. Ma douleur se résume à l'impression de m'être pris un bon coup de poing dans le bide mais rien d'insupportable. Cherchant le sommeil, plus tard dans la nuit, je suis même parvenu à dormir sur le ventre ! 
Je suis sorti de l'hosto le lendemain, hier donc, dans l'après-midi. Je ne gambade pas comme un cabri mais ça va. 
Je me suis fait opéré par coelioscopie, c'est-à-dire par l'intrusion d'une caméra dans mon ventre permettant de guider les deux instruments du chirurgien pour couper les ligaments retenants les organes, ces derniers étant évacué par voie naturelle. Ce qui signifie pour moi : cicatrices et durée de convalescence largement réduites par rapport à la méthode par incision abdominale.
Pour preuve, cette photo où l'on aperçoit les fils qui ont recousus mon nombril et les deux petites marques en bas du ventre, de chaque côté, qui sont également des points. 

Pour les FtMs en recherche d'expériences et de témoignages sur cette intervention, voici un compte rendu bien plus détaillé par Sam, qui est passé par le même chirurgien : cliquez ici.
D'ailleurs, j'invite tout le monde à visiter son blog ! Suivez le lien : Le Loup des Steppes 

 

13.7.09

NYC

Je suis rentré ce matin d'un voyage de 10 jours à New-York ! Cette ville et mes lectures pendant ce séjour m'ont poussé à plusieurs réflexions, ou plutôt pensées plus ou moins abouties, qui ont leur place sur ce blog. 

J'y ai fêté mes 22 ans. Cela fait 4 ans que j'ai réalisé être trans, 4 ans que j'ai entamé cette aventure, ma transition, ma métamorphose. C'était hier. C'était il y a une éternité. 

Je viens de relire en diagonale quelques uns de mes premiers posts et je mesure le chemin parcouru: les changements physiques; les angoisses en début de parcours, résolus depuis; l'évolution de mes idées, de mes attentes, de ma perception de moi-même; etc.

Je me tourne ainsi vers mon passé depuis ce Tétu acheté dans le kiosque à journaux de l'aéroport, au départ pour NYC. Une photo m'a interpellé, je l'avais déjà vu sur Facebook, et l'article titrait "TRANS: la nouvelle génération". À l'intérieur, de nombreux témoignages, et je connaissais quasiment toutes ces personnes, par le biais d'un forum, d'une association, ou d'un message laissé sur ce blog..., ces trans témoignant de leur histoire. 

J'ai connu la plupart à leurs débuts, et c'est en constatant où ils en étaient à présent que j'ai réalisé le temps écoulé. Nous étions jeunes, imberbes, la voix aigu... ! 

Il y a 2 ans, j'ai posté ici une photo prise à l'anniversaire de Victor. J'avais rencontré ce ftm un an plus tôt. Je me souviens d'échange de médoc sensé amélioré notre pilosité (nous étions loin du traitement hormonal); il arbore sur sa photo dans Tétu un beau collier de barbe roux. Je me souviens qu'il allait commencé à bosser pour le Folie's Pigalle, distribuer des flyers... Il y est maintenant performer. Je me souviens surtout, à notre toute première rencontre, une discussion où je lui avait raconté être sorti avec des garçons durant ma période "fille", alors que lui, jamais, il n'aurait pas pu. 3 ans plus tard, au Folie's, je le croise flirtant avec un mec et il m'avoue avoir commencé à mater un peu de ce côté. Quelques mois après, à une terrasse de café, en marge d'une quelconque manifestation, on discute de ces nouveaux désirs survenus avec la testo. Aujourd'hui, il en parle dans Tétu (voici le passage entier): 


"Phénomène fréquemment observé lors d'une transition, le changement d'orientation sexuelle. En effet, nombre de transgenres voient leur sexualité évoluer au fur et à mesure de la transformation de leur corps. "J'ai changé, ma sexualité aussi: maintenant, je mate des deux côtés", déclare Louis, considérant que cela fait parti de son parcours personnel. Selon Victor, la plupart des FtM - souvent attiré par les femmes à l'origine - évoluent bis, voir pédés, à cause des hormones: "La libido augmente, d'pù des envies de pénétration, par exemple. On tend alors à chercher l'extrême dans les rapports. Annonçant la couleur d'entrée, il affirme n'avoir aucun problème pour trouver des partenaires. "Surtout des mecs bi ou gays, c'est plus facile, précise-t-il. Affectivement, je suis plutôt attirée par les transsexuelles MtF"."


Transition idéale pour bifurquer sur une anecdote new-yorkaise. Je suis sorti deux fois dans des bars gays, idéalement situé à un bloc de mon hôtel, et ai fini mes deux soirées avec un mec. Un asiatique et un métis esquimau/black. Deux belles expériences. La deuxième fut assez troublante... J'ai ramené cet esquimau géant dans le placard qui me servait de chambre, et après quelques caresses, quelques massages, nous nous sommes endormis. Ce n'est que le lendemain matin, au réveil, que nous avons échangés des caresses plus sensuelles, plus sexuelles, et avons continué sur un 69. Je précise qu'il faisait jour dans ma chambre... He wanted me to fuck him. "But I don't have a cock !" "Yes, you have !"... Un peu plus tard, alors qu'il observait mes cicatrices au torse, il finit par me questionner dessus. Je lui réponds naturellement "I used to be a female... with big boobs..."  "no way!"  Et il ajouta simplement qu'il se disait bien que c'était tout mouillé, en dessous de "my cock". J'étais fasciné par sa surprise sincère, par le fait qu'il ai réalisé, après coup, ma trans-identité, et par sa constante admiration, avant et après cette révélation. Je n'ai jamais reçu autant de compliment au lit que ce matin là. Pour lui, j'étais parfait, de la tête au pied. Je ne sais pas, je n'ai pas pensé à demander s'il avait déjà couché avec une fille avant, ce qui expliquerait sa crédulité. Je savais déjà que mon dicklit, mon clito hypertrophié sous l'effet des hormones, avait une tête de gland, mais il n'est pas plus gros qu'un pouce et mes lèvres ne sont pas des testicules... Cela n'empêche que pour lui, j'étais probablement doté d'un micro-pénis ! 

Je n'ai pas de conclusion psychologique ou philosophique à cette histoire. Je savais déjà qu'à présent il n'y a nul doute que, dans le regard des gens, je suis clairement un garçon, et depuis que ma barbe s'est fournie, je fais plutôt mon âge.  Cette anecdote me serait arrivé il y a quelques années (mais je n'aurais pas fini avec un mec rencontré dans un bar en ces temps reculés!), cela aurait boosté mon ego et ma confiance en moi. Mais aujourd'hui, et depuis un bon bout de temps, je me sens bien dans ma tête et dans ma peau, et je n'ai plus besoin de la confirmation des autres pour me savoir masculin. Cela restera juste un bon souvenir de voyage... 


Comme le temps passe ! J'étais un garçon amoureux et infidèle au début de ce blog; je ne suis maintenant que fidèle à moi-même, libertin avec les hommes, à la fois timide et séducteur avec les filles... J'étais perdu dans mon avenir, dans mes études, j'ai trouvé finalement un métier passionnant ! J'appréhendais ma transition et ses étapes comme autant d'épreuves à franchir. Très porté sur l'introspection, je réfléchissais longuement à ce que j'étais, qui j'étais, et ce que j'allais devenir, à quel point cette décision allait bouleverser ma vie. Car oui, "la transition est l'orientation de vie la plus importante qu'une personne puisse faire dans son existence" (toujours Têtu). Je pourrais décider un jour de tout plaquer et vivre parmi les indigènes d'Amazonie, cela resterait un tournant moins important dans ma vie que celui que j'ai pris le jour où j'ai accepté d'abandonner ma vie, mon corps, mon avenir, mon rôle de fille. Et cela me rend heureux de savoir, de sentir au plus profond de moi que j'ai eu raison. Et cela me rend plus sûr de moi au quotidien. Je réfléchis moins à mon propos et fait confiance à mes instincts, à mes envies. Et toutes les épreuves se sont ajoutées à la somme des expériences qui m'ont fait mûrir ces quatre années.

Comme le temps passe ! Ici j'ai relaté mon désastreux coming-out à mes parents, leurs colères, leurs réticences, les problèmes d'alcool de mon père, les larmes de ma mère. Ils m'ont demandé un jour de leur laisser le temps de s'y faire et j'avais retardé le début de mon traitement hormonal. Aujourd'hui, ou plutôt il y a quelques mois, c'est ma mère qui me poussait à faire mon hystérectomie pour changer mes papiers d'identité, demandant même à des amis médecins des adresses de chirurgien... Et moi de lui expliquer que j'en avais pas besoin pour le moment, que j'attendrais de quitter mon emploi actuel. Ce qui est fait, je suis sans emploi et me fait opérer le 21 juillet ! Mes deux parents m'ont accompagné au rendez-vous avec le chirurgien. Ah ! Et mon père ne boit plus. En bref, tout va beaucoup mieux. Avec le restant de la famille aussi, merci ! 

Comme le temps passe ! Lorsque j'ai fait mes premières recherches internet, lorsque je voulais poser un mot sur ce que j'étais, avoir une explication, trouver des exemples, des solutions, internet me fournissait peu de réponses, au prix de longues recherches. Quelques sites, peu de forums et de rares blogs pour les FtMs (les MtFs étaient mieux représentées). Je me souviens d'ailleurs que le seul blog intéressant, enrichissant, instructif et bien écrit, sur une période conséquente de la transition d'un FtM, était tenu par son ex-petite amie (Carmelle, pour ne pas la citer !). Le reste n'étaient que simples témoignages à un moment donné, généralement la fin, de la transition du FtMs ( que j'avais trouvé notamment sur le site de Tom Reucher). La vie associative LGBT ou T tout court était inexistante pour un jeune de 15/20 ans qui vient de se découvrir et veut s'affirmer... Aujourd'hui les blogs de jeunes ftms fleurissent (même sur Skyblog !), les témoignages se diversifient et toute la palette des déclinaisons du genre s'affiche sur la toile, pour peu que l'on trouve les liens. Les sites et forums actifs ne sont pas beaucoup plus nombreux qu'avant, certains ont disparus, pas mal ont été créés, plus complets et mieux informés. La vie associative connaît aussi un renouveau et que l'on veuille trouver un lieu d'accueil et d'écoute, simplement une communauté où l'on est accepté tel que l'on se présente, ou que l'on veuille s'engager dans la lutte militante trans, il y a une assoce pour ça. Du moins, en Île-de-France (pardonnez mon parisianisme). Et je jubile quand je vois au stand du MAG aux Solidays, cette assoce où je me rendais en tant que fille, où j'ai timidement demandé sur le forum s'il m'acceptait toujours en tant que garçon, si l'association accueillait aussi les trans... Cette assoce qui a changé son nom l'année dernière en Mag - jeunes gais, lesbiennes, bi et trans... Je jubile donc quand je vois sur le stand des autocollants "STOP TRANSPHOBIE" ou "ATTENTION TRANSITION" avec des panneaux de signalisation. Parce que j'ai constaté cette évolution, au MAG et ailleurs, parce que j'ai vu des associations fleurirent et cela me donne l'espoir d'un parcours moins galère pour tous ceux qui suivront. Bien sûr, le parcours légal, médical, n'a pas changé, mais trouver un soutien moral extérieur à la famille, aux amis peut parfois être nécessaire; on peut rechercher une écoute, un lieu où fuir la transphobie quotidienne; on peut sentir le besoin d'agir, de réagir, de se faire entendre face aux injustices et discriminations faites au trans... Et cela devient plus facile d'années en années. 


Je parlais de plusieurs lectures durant ce voyage. Mais si je commence à partir sur "Dans la peau d'un intouchable" et "Just add hormones", ce post deviendra interminable ! Et puis je pense avoir dit l'essentiel de mes divagations... Le prochain post, après mon hystérectomie, sera plus concret !

9.6.09

Enfin, je me suis dit qu'il était temps que je mette à jour ce blog... J'ai réalisé qu'il était devenu ma mémoire, et nombre de fois je me suis retrouvé à raconter une anecdote personnelle et de poursuivre : "je ne me souviens plus des détails, mais je les ai écrit quelque part..." ici. Je ne sais s'il reste quelques fidèles lecteurs qui persistent à visiter cette page en espérant un nouveau message, et je m'en fous; me remettre à écrire pour moi-même, en premier lieu, décrire au mieux ma vie actuelle, pour retrouver ces souvenirs plus tard, tel est le but. 


Reste que je ne sais par où commencer pour parler de ma transition, surtout ayant l'impression qu'elle est déjà terminée. Je sais que les changements majeurs - qu'ils soient mentaux, physiques, chirurgicaux... - qui ont fait la métamorphose de Caroline en Éric sont derrière moi. Ce qu'il me reste à faire, l'hystérectomie et le changement d'identité, ne sont que procédure et formalité.


L'hystérectomie ne me changera pas physiquement, juste une cicatrice de plus. J'ai longtemps réfléchi aux probables impacts psychologiques que cette opération pouvait avoir, j'ai même pensé à l'éventualité que peut-être, dans quelques années, je pourrais regretter être stérile. C'est une opération dont je ne ressens pas la nécessité, alors j'ai pesé le pour et le contre et me suis décidé. Il y a, quoi ?, 3 mois maintenant, j'ai pris rendez-vous avec mon généraliste, qui m'a envoyé vers un chirurgien à Boulogne, qui m'a renvoyé vers une clinique ou Foch.... Bref, je vais m'adresser maintenant à un chirurgien "testé et approuvé" par d'autres ftms, avec qui j'ai rendez-vous le 24 juin.... Voilà, je me suis lancé, j'avance doucement, mais sans urgence. 


Pour le changement d'identité, là aussi je ne ressens aucune urgence ni nécessité absolu. Je suis conscient que cela me facilitera bien des démarches, mais actuellement je fais avec, avec ces papiers au nom de Caroline C., et je m'y suis habitué. Evidemment, j'ai travaillé pendant un an et des poussières dans un hôtel où aucun de mes collègues ou de mes supérieurs direct n'avait connaissance de mon identité féminine - ceux qui savent se comptent sur les doigts d'une main, et ne m'ont jamais causé problème -, donc cela a simplifié la situation dans ma vie professionnel. 

Mais même en dehors, lors des maintes occasions qu'offre la vie d'avoir à prouver son identité officielle, lorsque les flics m'arrêtent en scooter par exemple - c'est le plus récurrent ces derniers mois -, je fais avec. 

Ils me demandent mes papiers, puis étonné vérifient: "vous vous appelez comment ?" "Caroline C.", et je réponds aisément, simplement, comme dans un jeu de rôle. Sans un petit pincement au coeur, sans même cette fureur intérieure contre ces situations qui m'obligent à me "démasquer",  et qui m'habitait il y a deux ou trois ans... Et je m'amuse des différentes réactions, du flic qui ne bouge pas d'un cil mais l'on sent une intense réflexion sous son képi, à celui qui tente de me piéger : "Votre date de naissance ? Et OÙ êtes vous né(e) ? ... Et votre adresse ?..... Mais vous vous appelez vraiment Caroline ?..........Mais vous êtes une Dame ?" J'ai retenu un fou rire. Oui, je suis une dame. 




Puisque j'en suis aux anecdotes, j'en ai une bonne compile, toutes arrivées en l'espace d'une nuit, ou plutôt une matinée où je me suis fait coincé un peu trop ivre pour conduire. Version amélioré du contrôle des gendarmes avec le ballon, là on passait directement dans la camionnette de police avec l'hétylomètre, et avant même de souffler je savais que ce serait mauvais... Pas au point d'être embarqué ! Déjà dans la camionnette j'ai dû bien évidemment donner mes papiers d'identité, signer une espèce de reconnaissance d'infraction, tout cela sans remous. On m'a juste demandé confirmation de mon prénom, et puis j'ai entendu derrière moi cette réplique que je connaissais déjà : "tiens je ne savais pas que c'était un prénom mixte !". Embarqué, donc, en voiture avec deux policiers provinciaux perdus dans Paris, qui se trompent de commissariat pour me déposer, ce qui m'a laissé le temps de m'assoupir dans la voiture. Ils me confient finalement au flics d'un commissariat près de Place de Clichy, et je retrouve dans la "salle d'attente" des détenus des prédécesseurs, chopés comme moi dans la camionnette à Opéra. On me demande de confirmer mon identité, si je suis une "madame", je réponds oui et m'endors sur un banc. 

Je suis réveillé et amené dans une pièce close où une femme, visiblement gêné, me demande de vider mes poches, d'enlever ceinture et lacet, puis de me mettre en caleçon et de retourner mes chaussettes. Elle a vérifié toutes mes poches et rendu mes fringues, puis suis retourné sur le banc mais cette fois-ci menotté à son pied... Ce qui ne ne m'a pas empêché de me rallonger et de fermer les yeux, jusqu'à ce que j'entende que l'on parle de moi : deux flics, un homme et une femme, au fond de la salle, qui disait : "non j'te crois pas..." "mais si, c'est une madame ! Regarde sa fiche, ya "Mme Caroline C."...."...Je les ai coupé : "S'il-vous-plait, c'est Mademoiselle !". Et ai pu enfin me rendormir ! Jusqu'à ce qu'on me réveille pour m'emmener à l'hôpital, afin d'être examiné et déclaré apte à entrer en cellule de dégrisement. Une sympathique balade en camionnette, les mains menottées dans le dos et tenant mon pantalon dépourvu de sa ceinture, deux flics pour m'accompagner, une adorable jeunette et un beauf fini à 25 ans, des docteurs attentionnés mais débordés de soûlards ramassé dans la nuit et amené ici... Et me voici de retour au commissariat, amené dans une cellule de dégrisement nauséabonde (une couche de bébé usagée traîne dans un coin), au côté d'une clocharde qui s'éveille dans un râle de mort et me demande : "t'as pas une clope ?" "Bah non, ils m'ont tout pris".. Et se rendors aussi sec. Je m'installe un matelas à terre et en fait de même. On revient me chercher pour écrire les premières pages de mon casier judiciaire:  un grand black me ramène dans la pièce close où je me suis déshabillé. Il me demande confirmation de mon identité, m'interroge : "et tu t'es fait opéré ?" "Seulement du torse"...Il conclut : "Bon alors on reste sur Caroline." Il a pris en photo la cicatrice qui dessine mon torse, puis m'a pris de face ("je peux sourire ?" "Si tu en as envie !"), de profil et de trois-quarts (pour chaque position, je ne sais quel beauf de flic, encore un, a collé des photos de femmes dénudées précisément là où devait se poser le regard !). Une fois mes empreintes enregistrées, ainsi que différentes informations sur ma famille, je suis retourné en cellule. Et ai remarqué cette fois-ci celle d'à côté, remplie de trois hommes à la mine patibulaire, et ai réalisé que bien évidemment j'étais dans la cellule des femmes. D'où la couche puante. Mais cela ne semblait pas étonner la clocharde qui se réveillait pourtant à chacune de mes allers-et-venues et m'adressait quelques paroles à chaque fois. Pour la énième et dernière fois, on me réveilla, pour me monter à l'étage supérieur, dans les bureau, pour finaliser la paperasse... J'ai répété encore une fois mon nom, mon prénom, ma profession, mon adresse, les noms et prénoms de mes parents et autres détails à ce fonctionnaire d'une trentaine d'année qui, à la fin de l'entretien, m'a sorti : "Vous allez pouvoir rentrez chez vous. Que cela vous serves de leçon, jeune homme !"... Un temps d'arrêt puis "Vous voyez, on vous considère déjà comme un garçon !". 

Je suis sorti du commissariat complètement hagard à cause de la fatigue, et en errant à pied dans les rues, de Place de Clichy à Opéra où mon scooter avait été laissé, j'ai réalisé que même en ayant connaissance de mon statut de "madame", personne ne m'a parlé au féminin, et ce pas seulement cette nuit là, mais depuis un bon bout de temps. 

Depuis que j'ai pris une apparence tout à fait masculine, je suis parti en Angleterre, en Finlande, aux Etats-Unis, au Sénégal, sans jamais rencontrer de problèmes aux douanes. D'ailleurs, parlant de voyages, tous les employés de l'agence Thomas C. (pour pas faire de pub...) par qui je passe (depuis la plus petite enfance, par le biais de mes parents) pour la plupart de mes réservations de train, d'avion ou d'hôtel, connaissent la règle : Eric C. pour la France, sauf quand je prends des réducs SNCF 15-25 ans auquel cas il me faut mon identité officielle sur les billets, et Caroline C. pour le reste du monde. Les (rares) fois où j'ai dû présenter ma carte d'identité pour rentrer en boîte, régler par chèque... aucun problème. 


Non, vraiment, je ne ressens pas la nécessité de changer mes papiers d'identité au plus vite, donc pas d'urgence pour l'hysté, et cela explique un an et demi de pause dans ma transition, alors que j'ai pas mal d'exemples d'autres trans qui, quand ils le peuvent, enchaînent toutes les étapes du parcours. L'autre explication s'appelle la flemmingite aiguë, une maladie récurrente et incurable dont je suis douloureusement atteint. 


Ce message n'est forcément pas terminé, je me suis égaré dans les souvenirs d'une nuit au poste... Mais trop content d'en avoir écrit autant, et redoutant une autre attaque de flemmingite qui m'empêcherait d'écrire la suite un jour prochain, je me décide à le poster tel quel. 


Et, "toi-même tu sais", il y aurait tant de choses à dire encore...