20.8.08

La dernière phrase de mon dernier post était prémonitoire... Bien que je pensais m'y remettre, j'ai laissé 4 mois s'écouler avant de reprendre le clavier pour donner de mes nouvelles ! 
Je n'ai jamais été capable de tenir un journal intime sur le long terme. Ce blog constitue mon record et lorsque je le parcours, me remémorant des épisodes qui seraient sortis de ma mémoire sans cette trace écrite, je regrette de manquer de motivation et d'inspiration pour le tenir à jour.
C'est pourquoi je vais tenter de rattraper ce retard maintenant. 

Parlons d'abord de mon opération. Cela fait 7 mois et des poussières et je suis toujours très satisfait du résultat ! De plus, j'ai remarqué il y a quelques semaines avoir retrouvé une certaine sensibilité aux tétons. Je sens le plaisir et la douleur, moins le chaud et le froid (bizarrement, le gauche est plus sensible à l'un et le droite à l'autre). Je ne l'espérais même pas, pensant que c'était impossible avec une greffe ! 
J'ai redécouvert le plaisir de me balader torse nu à l'extérieur. Le vent, la pluie, les rayons de soleil... bonheur :o).... Et le regard des gens qui n'est ni finalement ni trop insistant, ni vraiment gênant, comme je le redoutais. 

Autre épreuve que je redoutais: trouver un travail. J'ai travaillé dans deux restaurants depuis le début de ma transition; soutenu par mon école pour le premier, pistonné pour le deuxième, depuis le début j'appréhendais mes futurs entretiens d'embauches où je devrais justifier mes papiers féminins. 
J'avais décidé de me mettre à la recherche d'un poste de commis dans un quelconque restaurant parisien un mois après mon opération, dans la semaine qui suivrait mon séjour en Angleterre, fin mars. En une journée, j'ai eu 3 propositions (quand on dit qu'il y a des emplois à prendre dans la restauration...), 2 furent suivies d'un entretien. Mon C.V. étant, bien entendu, au nom d'Eric C., je devais révéler on identité officielle à un moment donné mais me refusait à le faire avant de savoir si j'étais, oui ou non, embauché. Et je ne regrette pas cette décision !
Lorsque le chef d'un hôtel **** près de la Place Vendôme me demanda de commencer lundi, j'allais ouvrir la bouche pour expliquer mon cas et me suis ravisé; je ne le regrette pas non plus. Le lundi, je me suis présenté au bureau du personnel et en présentant mes papiers à la DRH, j'ai juste dit: "ils sont encore au nom de Caroline C., je n'ai pas encore changé mes papiers." Elle ne m'a posé aucune question personnelle, a pensé que c'était préférable que mes collègues l'ignorent et a donc fait mon contrat de travail au nom d'Eric pour que le chef de cuisine, en distribuant les feuilles de paye, ne découvre mon identité. Elle a été formidable et je l'aurais serré dans mes bras ! 
Cela fait donc presque 5 mois que je travaille dans cet hôtel; j'ai reçu ma carte de mutuelle et, comme sur mes feuilles de paye, il y a écrit "Eric C. numéro de sécurité sociale: 2 87......." comme si rien ne clochait ; mes collègues se moquent gentiment de mes marcels que je garde jusque dans les vestiaires (pour éviter que mes cicatrices ne me trahissent,) cela me fait rire doucement — s'ils savaient !—.
En Mai, j'ai eu droit à la visite médicale. Lorsque la docteur m'a demandé si j'avais déjà subi des opérations chirurgicales, j'ai répondu: "oui, une greffe du tympan et la poitrine". J'étais en caleçon et chaussettes, son regard s'est posé un moment sur mon torse. 
"- j'ai vu ça, on vous a sacrément raté !". Elle note "gynécomastie" (développement excessif des seins chez l'homme) sur sa fiche et ajoute "mais...euh... ils étaient gros comment pour que l'opération ait été aussi lourde?" "- Je faisais du 95C" Et devant son air dubitatif et sa bouche bée, j'explique être né fille. Elle raye "gynécomastie", écrit en dessous "transsexuel" et passe à la question suivante: "je suppose que vous prenez un traitement?"... J'ai été surpris que cela soit passé aussi simplement. 
Pour continuer dans les anecdotes de boulot... Je me sens mal à chaque fois qu'est évoqué le sujet du transsexualisme, que ce soit à propos du FtM américain enceint ou des putes du bois de Boulogne, surtout que c'est souvent accompagné de blagues douteuses et de rires gras. Sur une plaisanterie, on m'a surnommé "ricky siffredi" durant une semaine, et j'ai trouvé ça très, très drôle. 
J'ai vraiment sympathisé avec 2 collègues, chacun a fini par découvrir la vérité sur moi. 
Un soir, après le service, j'ai écumé les bars avec un autre commis, M., et nous avons terminé au Folies' Pigalle, boîte réputée pour accueillir beaucoup de transsexuelles... En réglant mon entrée, j'ai dû présenter ma carte d'identité et la caissière l'a refusé:" Ah ben y'a un souçi... ça va pas être possible... Qui c'est, Caroline?"... M. était derrière moi, j'ai cru qu'il n'avait rien entendu. Mais plus tard dans la nuit, alors que l'on parlait (enfin, que l'on criait pour couvrir le bruit de la musique) d'une fille qu'il venait de serrer, je lui fait remarquer qu'elle est trans et il me rétorque:" mais vous aussi, non...?". Quelque temps après: "ça me fait chier pour vous, Riquet"... Il avait l'air vraiment peiné, j'avais presque envie de le réconforter ! Nous n'en avons jamais reparlé et, plus important, il n'a jamais rien dit au reste de la brigade. 
Plus récemment, fin juillet, j'ai plongé dans la Seine avec D., l'apprenti, et pour cela j'ai bien dû me mettre torse nu. Il faisait nuit, il a mis du temps à remarquer mais a été impressionné lorsqu'il a vu mes cicatrices. Il m'a demandé si j'avais eu de la poitrine à cause d'une maladie ou d'un problème chromosomique... a compris l'intérêt du marcel que je porte constamment et a juré dans la foulée qu'il n'en parlerais pas au travail. 

Sans transition...
En Avril, Virginie et moi avons rompus. Pour nous retrouver quelques mois plus tard, sans pouvoir encore déterminer si nous allons sérieusement nous remettre ensemble, mais là n'est pas le propos.
Cette séparation, et les expériences qu'elle m'a permise de faire, m'ont appris sur moi-même, ma sexualité et mon rapport au corps. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais il fallait que je fasse un paragraphe à ce sujet car c'est tout de même l'évènement le plus important de ces 4 derniers mois...

En espérant laisser moins de temps s'écouler entre aujourd'hui et mon prochain message...

7 mois post-op