25.4.07

Brouillon*

J'ai réalisé récemment que j'en avait pratiquement plus rien à carrer de passer comme une fille en famille... Je ne parle pas de la cellule familiale, papa-maman-frère-soeur, mais la famille étendue, celle qu'on ne voit qu'une fois l'an, au mieux.
Récemment, l'anniversaire d'un oncle fut l'occasion de grandes retrouvailles familiales. J'ai eu le droit à du elle, du Caroline ou Caro toute la soirée, et cela ne m'a pas vraiment gêné. Ils étaient tous au courant, mais ne m'avaient pas vu depuis... Bien sûr personne n'en a parlé, ormis, en aparté, l'oncle en question qui m'a assuré de son soutien. Le seul truc que je redoutais, c'est que généralement on me parle de trucs de filles, on me pose des questions sur d'éventuels petits copains, etc. Mais non, au contraire, j'ai même participé à des conversations de mecs, sans que cela paraisse bizarre. Après, la grammaire, le prénom, c'est juste une question d'habitude. Ca en devient presque des détails...
Le seul truc qui m'a emmerdé, c'est ma tante qui débarque: "Salut la miss", alors que pour le coup, elle le sait depuis le début, je le lui ai dit, on en a parlé, elle ne l'a jamais accepté, bref c'était bien fait pour faire chier et ce fut réussi.

Parallèlement, j'ai remarqué que je ne relevais même plus les bugs, lapsus de mes amis, un elle ou un carot au détour d'une phrase, souvent immédiatement ratrapé, avec excuse en prime.
Je crois qu'au tout début de ma transition, pour me construire, j'avais grand besoin du regard des autres, de leur approbation, de leur soutien. Ma confiance en moi-même, en ma masculinité apparente était défaillante et je percevais chaque féminin à mon égard comme une négation de mon être.
Aujourd'hui, je suis plus sûr de moi, bien dans mon identité mec et trans, à défaut de l'être dans mon corps, et ces erreurs me passent au dessus.

2.4.07

Retour sur le passé - épisode 6

Je me suis arrêté de raconter le tout début de ma transition, avant la création de ce blog, au 10 août 2005. La veille, j'avais remis à Vivi une lettre où je lui avouais être trans...
Je voudrais revenir sur la suite de cette histoire, sur l'évolution de notre relation, la remise en question de notre couple... Avant de relire ses textos que j'ai recopié ici, j'avais oublié que cela avais pris deux mois pour que la situation s'apaise, deux mois où ne dormions plus beaucoup. Elle se demandait si elle pouvait me suivre dans cette transformation, et moi, qui ne voulait pas trop y croire, j'essayais déjà de me blinder pour apprendre à avancer avec ou sans Elle... Mais comment continuer sans la personne qui m'avait révélé à moi-même?


9/8/05 Heureusement que je ne l'ai pas lu ac toi, je serais restée sans mot juste après sa lecture... Cette lettre aura sa réponse à travers une autre ms je ne sais pas qd je commencerais à l'écrire. (...) Bcp de choses cogitent ds mon esprit et il faut d'abord que j'y fasse un tri. Sache que le sujet ne m'étonne absolument pas, au contraire, j'attendais que tu l'abordes enfin... mais j'essayerais d'être plus explicite dans le courrier que tu recevras ! (...)

Un courrier qui se fit attendre... 20 jours plus tard:

30/8/05 You've got a mail ! à tte !

Et dans ce mail était écrit entre autre:
« Enfin ! », voilà exactement le terme qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai terminé de lire ta lettre. J’ai alors ressenti une certaine forme de soulagement, rassurée que tu aies enfin mis le doigt sur la cause majeure de ton mal être [...].En réussissant à percer un minimum ta carapace, j’ai pu décrypter certains signes, parfois invisibles, que tu sais envoyer… Ton comportement, ce qui te caractérise, tes différentes facettes, bref une petite partie de ce que tu es m’est moins étrangère depuis quelques temps… C’est donc peut être la raison pour laquelle je ne fus pas surprise, que je m’y attendais… [...] Ce garçon qui vit en toi, qui ressurgit, parfois même sans que tu t’en aperçoives, à travers des paroles, des gestes, attitudes… fait partie intégrante de ce que tu es et lorsque l’on commence à te connaître, il s’impose alors comme une évidence, on ne peut le renier. [...]
Bref.« Il s’avère que je puisse être transgenre »,je l’ai dit plus haut je m’y attendais pourtant en lisant ce mot, ce fut tout de même un choc…Je n’aime pas rester sur des a priori sur quelque sujet qu’il soit, et les seules images me venant à l’esprit à propos des transsexuels étant celles de la majorité des gens en général (folklore travestis que les médias font ressortir lors de la gaypride par exemple),j’ai décidé de m’informer réellement sur le sujet ! Et les différents témoignages, articles que j’ai pu lire se rapprochaient, pour de nombreux points, à ton cas… Donc cette hypothèse pourrait bien se transformer en vérité…,mais avant cela comme l’a dit Julien il faut que tu consultes un psy pour que tu puisses enfin commencer un travail sur toi-même,ce qui te permettra à la longue de te comprendre et, ce qui est primordial, de t’accepter. [...]
Alors si le destin (ou ce que tu veux d’autre) a décidé que nos chemins devaient s’entrecroiser un jour, c’est peut être qu’il voulait que je t’accompagne dans ta quête personnelle… Si c’est le cas, sache que je serai près de toi pour t’y aider aussi longtemps que tu le souhaiteras…"

Et 5 jours plus tard, un post-scriptum :

4/9/05 Le mail que je t'ai envoyé a dévoilé ce que je ressentais vis-à-vis de ça, et c'est tout simplement la vérité. seulement au fur et à mesure que je lisais "un homme en elle", une voix s'est élevée en moi, celle qui avait encore l'espoir que le psy t'aiderait à y voir plus clair, et que ça s'arrêterait donc là... qui me disait et qui me dit toujours que je n'aurais peut-être pas la force de te suivre jusqu'au bout... 3 jours que j'ai fini le bouquin, autant de nuits où je ne trouve pas le sommeil, tiraillée en permanence entre ces deux parts de moi qui ne cessent de s'opposer... (...) Je me demande qd enfin tout ceci cessera, qd j'arriverais à savoir si je pourrais te suivre réellement ou pas car tout ceci devient plus qu'épuisant...

À partir de là, je ne savais plus moi-même quoi penser, ce que je pouvais me permettre d'espérer... Un peu par provocation, juste pour remettre le sujet sur le tapis, je lui ai envoyé un message évoquant mon "rebaptême", et la possibilité (au second degré), de me faire appeler Alphonse, en référence à une chanson de Lynda Lemay. La réponse fut brutale:

17/9/05 Tu peux faire de ta vie une farce, no pb, au contraire ! Par contre pour le rebaptême moi serais pas au rendez-vous...

Explications dans la nuit:

17/9/05 Au bout de 15 jours d'insomnie, je commence enfin à comprendre les 3 voix qui s'élèvent et se combattent en moi: la 1ère c'est celle qui m'a dicté le mail que je t'ai send, la deuxième c'est celle qui est égoïste, qui refuse d'accepter ce que j'ai appris, qui serait capable de me pousser à m'éloigner de toi peu à peu... Et enfin la troisième, celle que je vais sans doute retenir car c'est la plus objective, la plus raisonnée: elle refuse également ms ne laisse pas intervenir mes sentiments, elle refuse puisqu'elle sent que ça sera sûrement une grosse erreur si tu commences un jour cette transformation... Peur de tout ce qu'elle a pu lire et que tu devras endurer, peur que tu ne trouves pas la force nécessaire qu'il faudra garder jusqu'au bout... Cette part de moi qui t'aime et qui est effrayée pour toi... 17/9/05 Pas de réponse? C'est déstabilisant... Je voudrais juste rajouter que je ne veux pas pour l'instant, mais plutôt que tu reportes ta décision dans quelques années... Je veux juste que tu prennes un peu de recul pour mesurer vraiment mais vraiment toutes les conséquences de cet acte... Mais je le redis encore une fois, c'est ta vie, je ne peux rien dire même si ça en vient parfois à m'étouffer d'inquiétude pour toi... mais bref je me tais

Quelques jours plus tard:
24/9/05 On peut se voir ce soir juste une heure pour parler ou du moins essayer? mais si tu préfère ne pas te prendre la tête sur ça tonight et profiter de ta soirée chez marie ac les autres, je comprendrais

Comme si passer une bonne soirée était prioritaire sur une tentative de surmonter l'épreuve que l'on traversait...
On s'est vu, on a un peu parlé, un peu pleuré, Elle m'a fait part de ses craintes, je lui disais que s'il le fallait, je repousserais la transition, j'attendrais; Elle refusait ce sacrifice de ma part, refusait d'être la raison qui m'empêcherait d'entamer cette démarche qui me sauverait. J'avais peur de commencer sans Elle, et de le regretter un jour, et peur de rester ainsi, avec Elle, et de le lui reprocher plus tard... On s'est quitté sur cette impasse, j'ai rejoins mes amis, puis j'ai sûrement dû trop boire ce soir là...

Le 1er Octobre au matin, je lui ai envoyé ce texto:
jé fais 2 reves très précis cette nuit et ds l'un d'entre eux on se mariait.on flottait ds le ciel,emporté par un courant d'air et on se posait pr prononcer nos voeux.tu étais magnifique ds ta robe de mariée,à tombé par terre. jme trouvais beau ds mon costume old fashion.et puis à terre jté glissé que le seul interet du mariage cé l'instant ou on me dira "vs pouvez embrasser la mariée".on s'embrasse,on s'enfuit par les airs.jme suis reveillé ac le smile!

3/10/05 Générique de fin de "Boys don't cry", film poignant, intense... En le voyant ça m'a conforté dans l'idée que j'ai en ce moment sur nous deux. Je ne sais toujours pas quoi penser, suis encore complètement perdue et je ne dois rien laisser transparaître du matin au soir, mais ça c'est pas nouveau ! Bref tout ça pour dire que le mariage on y est pas encore, loin de là, on va vivre au jour le jour et on verra bien où tout ça mènera... oki? J'te promets rien sauf une chose: être toujours présente d'une manière ou d'une autre ds le paysage de ta vie...

J'ignore ce que j'ai pu écrire pour obtenir cette réponse, sûrement une vaine tentative d'atténuer ses craintes:

4/10/05 C'est même pas une question d'éviter ou pas vu que depuis le début, je te le dis et j'en suis convaincu que tu va changer... et c'est pour ça qu'outre la transformation physique, je me demande surtout jusqu'où je pourrais suivre quant aux modifications psychiques et à quel moment je vais commencer à peu à peu décrocher...

À quel moment va-t-Elle commencer à se détacher? Est-ce que je le verrais arriver? Vivons au jour le jour et advienne que pourra...

Le mot de la fin:

19/10/05 bonjour ! bien sûr que je ne t'en veux pas, d'ailleurs pourquoi? Et puis je me répète mais t'en ai-je déjà voulu pour quelque chose?? alors pas de nouvelle parce que j'attendais juste que la colère de monsieur se calme quelque peu, apparemment c'est fait ! ;)






PS: Cela ne fait pas si longtemps, quelques mois à peine, que j'ai cessé de craindre que ma transition ne nous éloigne peu à peu. J'ai réalisé qu'en fait, cela nous avait rapproché, et même consolidé. Elle est devenu si essentielle à mon équilibre, à mon bonheur, que je n'ose me demander ce que je serais devenu si j'avais dû avancer sans sa présence à mes côtés...


Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues
Terre, terre, voici ses rades inconnues

Aragon