12.11.06

Si, Maman, si...

"Si, maman, si
Si, maman, si
Maman, si tu voyais ma vie
Je pleure comme je ris
Si, maman, si
Mais mon avenir reste gris
Et mon cœur aussi"

C'était la chanson que je dédiais à ma mère il y a à peine plus d'un an. Quand j'allais mal et que je pensais qu'elle ne le voyait pas, quand toutes mes crises semblaient avoir pour seule explication "l'adolescence, ca lui passera" à ses yeux, quand elle essayait maladroitement de me parler et que je me fermais comme une huitre, quand j'accumulais de la rancoeur contre mes parents ...

S'il y a une réussite dans ma transition, un point positif indéniable, c'est que je puisse parler de tout cela au passé, c'est cette impression qu'elle m'a rapproché de ma mère. Cet abcès crevé, le temps de cicatriser les plaies, on a mis des mots sur nos douleurs: pour elle, celle de "perdre" une fille, pour moi celle de faire souffrir mes proches juste à cause de ce que je suis. En paroles et en actes, elle a su me montrer à quel point son attachement à son enfant surmontait toutes les différences et les difficultées; je n'ai jamais autant pu sentir, presque palper cet amour maternel que durant ces derniers mois et ça c'était inespéré...

En parlant de nous deux, on dérive sur nous quatre et de fil en aiguille, on peut aborder tous les sujets, discuter de tout et de rien. Une relation banalisée, en somme. À l'heure où j'etouffe quelque peu dans ma chambre d'enfant, où j'attends avec impatience mon déménagement puis mon indépendance, je suis heureux que nous soyons arrivé à ce stade. Autrement, j'aurais pu partir avec un sentiment d'échec ou d'inachevé...

Coming-out inversés

J'ai fait mes premiers coming-out inversés récemment, c'est-à-dire qu'au lieu de déclarer "en fait je suis un garçon", j'ai avoué à deux camarades de classe qui me connaissent simplement en tant qu'Eric que je fus une fille il n'y a pas si longtemps...

Le 1er était début octobre. Je n'imaginais pas que je pouvais totalement passer en tant qu'Eric pour des personnes qui me cotoient tous les jours et me demandais s'il n'était pas possible que tous soient au courant d'une manière ou d'une autre et que personne n'en parle ! Bref, pour m'en assurer il fallait que j'en parle à quelqu'un et j'ai choisi une fille de ma classe que je savais digne de confiance. C'était par msn, et après avoir tourné autour du pot un certain temps, j'ai raconté que j'étais né(e) Caroline, que j'étais tout bêtement trans... "wow" fut sa première réaction. Puis lorsque j'ai expliqué que cela était nouveau pour moi de vivre pleinement (dans le cadre scolaire) sous mon identité masculine, que je n'arrivais pas à réaliser, elle m'a répondu qu'elle n'arrivait pas à croire que je n'étais Eric que depuis quelques temps :o) ! Elle m'a finalement assurée qu'à sa connaisance, personne dans l'administration scolaire n'a divulgué ces informations aux élèves.

Le 2ème, c'était il y a 3 jours. On était cinq ou six posés dans un bar après les cours et la conversation portait sur les photos dossiers qu'on a tous dans notre portefeuille (carte d'identité, permis de conduire...) et une fille, S., tenait absolument à voir les miennes... Un pote en face de nous, entendant cela, balance en déconnant qu'il allait me retourner pour choper mon portefeuille; j'ai jeté un froid en lui répondant très sérieusement quelque chose comme "tu fais ça, tu te prends un pain dans la gueule."... J'ignorais que la peur de me faire découvrir par les mecs de ma classe pouvait me rendre instantanément menaçant, ce qui n'est vraiment pas dans mes habitudes.
En revanche, je pensais pouvoir le dire à S., alors on est finalement sorti dehors où je lui ai montré ma carte étudiante de l'année dernière, où j'apparais cheveux longs et maquillé. Elle la prend, lis "Caroline" et me dit: "tu sais quoi, je m'en doutais", et ça m'a à la fois agacé et rassuré, rassuré car il fallait bien que quelqu'un me grille un jour ou l'autre et que j'étais content que cela se passe ainsi, qu'elle n'ait fait aucune remarque sur le moment. Elle m'a expliqué qu'un jour où j'étais en marcel, elle avait aperçu mon t-shirt de compression et a ajouté qu'en début d'année, elle et quelques autres filles se sont demandé si j'étais une fille ou un garçon puis, entendant ma voix, ont choisi la seconde option. Paraitrait aussi qu'il me reste des attitudes ou tics typiquement féminins... Que voulez-vous, on efface pas des années dans la peau du personnage comme ça !