19.5.06



"Mais ta copine, elle était lesbienne, donc comment elle gère maintenant?" Combien de fois m'a-t-on posé cette question depuis que j'ai amorcé ma transition... La réponse toute simple c'est: non elle ne l'était pas, et encore moins à présent. Je sais que cela ne suffit pas ("mais toi, tu étais quand même une fille féminine, donc tu va pas me dire qu'elle préferait les garçons en sortant avec toi?") mais comment vous expliquer quelque chose qui me dépasse aussi?
Ce que je sais c'est que, alors que je m'affirmais farouchement lesbienne (malgré mes incartades avec quelques garçons), je ne l'ai jamais considérée ainsi. Le fait révélateur c'est que jamais son entourage féminin n'a eveillé en moi une once de jalousie, alors je ne peux pas en dire autant des garçons qu'elle fréquente! D'ailleurs cette situation m'embarassait pas mal à l'époque. La question que l'on me posait alors c'était plutôt: "Mais ca te fait pas chier que ta copine soit pas lesbienne? T'as pas peur?". Et je ne voyais pas trop ce qu'elle faisait avec moi, ce qu'elle me trouvait de si spécial pour déroger à son hétérosexualité...
Je ne lui ai pas posé la question, je pense que je redoutais une réponse qui puisse me troubler d'avantage que je ne l'étais déjà. Elle faisait ressortir de moi le garçon que je refoulais, cette identité masculine que je reniais, ce qui me rendait mal à l'aise, alors je ne voulais pas savoir que, éventuellement, elle était là à mes côté parcequ'elle avait décelé, peut-être inconsciemment, ce côté obscur...

Suite d'un extrait de mon journal intime daté du 4 novembre 2004 que j'ai publié içi :
Il faudrait peut-être que je rectifie : je suis toujours frustrée d’être une fille dans le cadre sentimental. Je ne deviendrais pas transs pour autant ! On s’habitue à tout. La question que je me posais par rapport à Virginie : aurait-elle préférée que je sois mec, c’était surtout pour me conforter, soit dans ma situation, soit dans ma pensée. Si la réponse aurait été négative, je me serais dit que c’est un mal pour un bien, que mec je ne vivrais pas cette histoire qui fait mon bonheur, et à contrario je me dirais juste que cette frustration est justifiée, sans que cela ne change par ailleurs grand-chose à la situation. Mais voilà, la réponse a été neutre. Un je-m’en-foutisme qui me déstabilise quelque peu. Enfin, qui m’a surtout donné à réfléchir durant les pauses de la journée d’appel. D’un côté c’est magnifique, je peux me dire que je suis aimée pour moi-même, pas ce qui fait mon être de chair mais…moi quoi ! Et d’un autre côté c’est tout de même renier une partie de mon identité, enfin mince ce n’est pas qu’un détail, ça détermine le 1er chiffre du numéro de Sécu, ça oblige à cocher des cases F ou M toute sa vie durant, ça a tout de même son importance ! Et elle s’en fout comme de son premier pyjama ! (Enfin si ça se trouve elle le garde peut-être amoureusement son premier pyjama, comme une relique d’un temps révolu.)


À l'époque, je cherchais des raisons de m'estimer heureux d'être une fille, et j'aurais voulu pouvoir me dire "tu vois, si tu n'étais pas une fille, tu n'aurais jamais vécu cette histoire". D'ailleurs, Vivi exacerbe ce que je considérais comme le meilleur et le pire en moi, et je me cherchais tout court dans cette relation.

14.5.06

"Mes chers parents, je pars..."

Voici une lettre que j'ai écrite à mes parents il y a 2 mois:

Boulogne, le 14 Mars 2006

Chers parents,


Me voilà extenué et incapable de dormir ; notre discussion de ce soir ne quitte pas mon esprit et je crains que mon sommeil n’efface les pensées et réponses que j’aimerais vous adresser.
Je n’ai pas envie de passer mon temps à m’expliquer, me justifier ; je ne vous demande pas de me comprendre, je doute d’ailleurs que vous le puissiez, mais juste de m’accepter, d’accepter mon choix de vie, ce que je désire être et la façon dont je veux le devenir.
Ce qui veut dire : arrêtez de décortiquer ce que vous savez de ma vie et de relever les divers traumatismes qui ont jalonnés mon histoire pour trouver la réponse au pourquoi ; arrêtez de vous intéresser à ma vie sexuelle et à mon éventuel plaisir clitoridien pour savoir à quel point mon transsexualisme m’affecte ; arrêtez de buter sur des conceptions de l’identité sexuelle fondées sur les parties génitales. En bref, arrêtez de chercher midi à quatorze heures, et, mais c’est peut-être trop demander, faites- moi confiance, croyez en moi et en ce que je vous raconte.

Papa, qu’est ce que tu attends que je te réponde lorsque tu me dis croire que je choisis d’aller mal, de me donner cette apparence, lorsque tu m’affirmes que je ne parais pas avoir tant besoin que ça d’entamer ce parcours ? Comment veux-tu que je te prouve que tu as tort ? Souhaites-tu que je vous fasse quelques mois de dépression, d’autodestruction, pour que mon mal-être paraisse évident ?!
Je suis déjà passé par là. Des périodes où j’ai sombré et où vous n’avez rien vu. J’ai essayé de me détruire, mais il y a toujours eu quelqu’un pour m’arrêter, ou quelqu’un pour qui je ne voulais pas toucher le fond. J’ai choisi de vivre, et d’aimer la vie malgré tout, et tu ne peux pas me blâmer pour ça ; et puis je me suis créé une façade souriante et une armure solide, que je vous dois. Je vis dans une famille où père, mère, frère et sœur ont leurs émotions enfouies sous d’épaisses carapaces, et où je n’ai pas le droit d’avoir de problèmes au risque de m’en créer de nouveaux parce que je vous causerais du souci, parce que vous en avez déjà bien assez et me l’avez fait clairement comprendre, parce que vous finirez par vous engueulez pour me le reprocher ensuite. Ce sont des reproches mais je ne vous en veux pas, je vous ai déjà bien assez haï pour tout cela...

Me voilà quelque peu dépassé par tout ce que j’écris, si bien que j’en perds le fil de mes idées. J’étais censé parler de ma transition et voilà que j’effleure à peine le sujet. Mais il me semble que ce que je pourrais ajouter ne serait que superflu, que je ne ferais que répéter ce que je vous ai déjà dit à l’oral, et je ne vais pas lutter contre la fatigue plus longtemps juste pour le plaisir de pouvoir m’exprimer correctement.


Et depuis, j'ai le sentiment d'avoir été écouté par ma mère, mais que mon père fait la sourde oreille. Il nie être affecté par toute cette histoire ("Je me fous que tu sois une fille ou un garçon...") et j'ai l'impression qu'il a lu en diagonale les livres que je leur ai passé ("De quoi souffrent les transsexuels" notamment) ainsi que tous mes écrits lorsqu'il me sort des reflexions que je juge aberrantes comme par exemple, pourquoi je persiste à porter des tee-shirts compresseurs alors que l'on me considère comme une fille (je ne sais si c'était dans le cadre de mon travail ou dans le cercle familiale). Je ne dis pas que ma mère m'accepte en ouvrant grand les bras, qu'elle est ravie de son nouveau fils Eric, mais il m'est possible avec elle de discuter des mes problèmes personnels, médicaux... Alors que toute communication avec mon père semble vouée à l'échec. C'est en tout cas le constat que je dresse actuellement et j'aimerais passer outre cette impasse avec lui, en espérant que le temps et les faits concrets de ma transition l'aideront à mieux accepter et qu'un jour on pourra se parler...entre père et fils, d'homme à homme...

13.5.06

Suite au dernier extrait (en italique) du post précédent: en lisant cela, je me suis totalement identifié dans le sens où je pense vraiment que ce que la majorité de mes amis appréciait de moi lorsque j'étais Caroline venait de Carot...
Quoique Caroline avait bien des qualités indéniables, comme un sens aigu du don de soi... Par exemple une règle d'or: les avances d'un garçon en mal de tendresse ne se refuse pas. Bon, j'y ai quand même effectué quelques entorses ! Elle avait des complexes bien à elle, comme un sentiment profond d"inutilité qui faisait que je ne refusais jamais de rendre un service et ce qui m'a mis dans bien des plans galères... Aujourd'hui, je ne me sens plus le besoin de servir à quelque chose ou à quelqu'un, je vis pour moi-même et ce n'est plus un besoin de me sentir utile au autres, juste un plaisir lorsque je peux aider un ami. D'ailleurs, pour terminer avec ce problème, avant je me disais: je ne me suiciderais jamais car si ma vie ne me sert en rien, elle peut toujours être utile aux autres: je n'ai qu'à devenir bonne soeur ou prostituée ! Maintenant c'est plutôt: je ne me suiciderais jamais car la vie offre 1000 possibilités de rebondir lorsqu'on tombe, 1000 chances de se trouver un but, une raison de vivre...
Ma confiance en moi a beaucoup évoluée depuis que moi-même je me suis découvert et transformé. "Evoluée" et non pas améliorée, car elle a simplement changée. Avant j'avais confiance en ce que j'étais et ce que j'allais devenir, alors qu'à présent j'ai confiance en qui je suis mais mon avenir me parait plus incertain... L'important c'est que je me sais plus vrai, que je me sente exister par et pour moi-même... Ma confiance en moi n'a pas forcément grandie mais ma self-estime, énormément.

Je n'ai pas fini sur le sujet, il y a encore à dire, pour une autre fois peut-être...

12.5.06

Yanni Kin

Je voudrais partager ces extraits de l'autobiographie de Yanni Kin "Regarde moi, Maman"; parmis toutes les biographies de trans que j'ai lu, c'est celle où je me suis le plus identifié. Dans les extraits qui suivent, c'est Sylvie qui parle de cet homme, Sylvain, qu'elle dissimule au fond d'elle.


J'ai pleuré tout le long du chemin. J'ai pleuré une fois chez moi. J'ai pleuré durant les jours qui suivirent en revivant ce qui s'était passé. Sylvain ne disait mot. Sylvain pensait. Dire est bien, penser est mieux. Il faut avoir beaucoup pensé pour savoir dire. Et si agir est bien, patienter est mieux. Il faut savoir patienter pour pouvoir sagement agir. Sylvain est le penseur, le rêveur, mais il n'est pas patient. Il est celui qui analyse et qui sort des réflexions, puis qui sourit en les prononçant car il se sait trop impétueux pour les appliquer. Il persiste quand j'abandonne. Il frappe quand je m'esquive. Il se redresse quand je courbe. J'aime cet homme même si lui voudrait bien me voir disparaître. À cette époque, je ne le réalisais pas encore tout à fait, mais je ne pouvais vivre sans lui alors que lui pouvait très bien vivre sans moi.


Il m'apparaissait que sa capacité de vivre dans l'anonymat avait atteint sa limite. Depuis quelque temps, j'avais très bien perçu sa bravade. Certains jours, il me faisait peur. Il avait ce regard vitreux de quelqu'un qui ne se possède pas totalement, comme un malade en phase terminale qui n'a plus rien à perdre et qui vit ses dernières heures en dépit de toute conformité.


Je m'approprie ce message extrait du même livre:

Il conservera un peu de moi comme j'avais un peu de lui. Continuez à l'aimer comme vous l'avez toujours aimé sans vous en rendre compte; comme il s'est toujours fait aimer de vous à votre insu. Si vous prêtez bien attention, vous constaterez que c'était son énergie, son impétuosité qui vous galvanisait et son côté juvénile, ce comportement puéril chez lui qui vous mettait sous le charme.

Une photo

Cette photo date d'octobre 2005. C'est la première (autre que les photomatons) où je me suis trouvé pas mal (en) mec...

7.5.06

En vrac

Des nouvelles dans le désordre...

La plus importante: j'ai arreté le traitement Orgamétril en fin de semaine. Depuis que je l'ai commencé, j'ai subi maux de tête, vertiges, malaises et bouffées de chaleur... Tous les inconvéniants de la ménopause. Pire, l'effet principal escompté n'est pas arrivé: plus de règles abondantes, mais des pertes tous les jours... Mes règles ne me gènent guère, elles ne sont pas douloureuses, donc ce n'est pas essentiel pour moi qu'elles s'arrêtent; je préfère les avoir puis être tranquille 25 jours par mois. Bref, cette tentative de traitement est un échec, mais je n'ai pu encore en parler avec mon endocrinologue: j'attends qu'elle rentre de vacances.


Je suis allé voir le film transamerica avec Vivi lundi dernier. Moment d'enervement: j'étais déjà terriblement agacé par tous les articles sur ce film où Bree (femme transsexuelle) est dite "un travesti voulant se faire opérer" avant d'aller voir le film... Et énervé après car Bree préçise bien: "je ne suis pas travesti" à un moment donné du film. Donc la plupart des journalistes ayant écrit un avis sur Transamerica ont non seulement fait preuve d'un grand manque de professionalisme en ne s'interrogeant pas sur le sujet qu'il traitaient et le vocabulaire qu'ils employaient, mais en plus ils n'ont pas vu le film ou plutôt n'ont pas dû être très attentif...
Moment de tristesse: je n'ai pas tilté sur le moment, cette phrase ne m'est revenue en mémoire quelques temps plus tard... Lorsqu'elle demande son autorisation d'opération, Bree dit que une fois terminée, même un gynéco ne serait pas en mesure de détecter son passé d'homme. Ce qui m'a fait pensé que, même lorsque mon Etat civil sera modifié, j'aurais toujours quelque chose à cacher ou plutôt quelque chose à prouver... Etant donné que je n'envisage pas la phalloplastie. Je devrais toujours m'expliquer à mes médecins et j'aurais des aveux à faire avant de sortir avec une fille. Il me faudra penser à mettre une prothèse avant d'aller à la piscine ou à la mer. Bref, Je ne vais pas donner toutes les conséquences qui découlera de ma futur vie d'homme avec un vagin, mais j'avoue qu'y penser m'a fait un peu déprimer... J'en étais bien sûr déjà pleinement conscient, mais il faut juste que cela ne se rappelle pas à moi trop souvent...

La phrase qui m'a fait plaisir: le week-end dernier lors d'une soirée, j'étais allongé sur un lit avec trois autres personnes dont ML, et j'ai dû passer par dessus elle pour attraper un cendar. Elle a fait un mouvement brusque et son pied est allé en direction de mon entrejambe... Et elle me dit: "Putain je te vois tellement comme un mec que j'ai eu peur de te faire mal !"... Qu'elle me considère comme un garçon au point d'avoir le reflexe de ne pas heurter mon service trois pièce imaginaire a provoqué sur mon visage un grand sourire :o)