30.3.06

Affaires de famille

Je n'ai pas fait les compte-rendus des rendez-vous de mes parents avec mon psychiatre et mon endocrinologue: il n'y a a pas grand chose à rapporter sur le 1er et je n'ai pas eu d'échos du 2ème.
Ce n'est pas le sujet favori des discussions, explications et engueulades de la semaine...
Mardi j'ai reçu un appel de Parrain. Cela m'a fait plaisir de lui parler et de lui expliquer moi-même mon histoire, mais j'aurais préféré lui annoncer moi-même. J'ignore combien de membres de la famille sont au courant actuellement, et si cela ne me préoccupe qu'à moitié, ça emmerde profondément mes parents (désolé, je n'ai pas d'autres termes...). Ils auraient voulu (et par conséquence, moi aussi j'aimerais) que le bruit ne se propage pas, que l'affaire reste dans un cercle restreint. Les interventions de chacun n'aident pas le dialogue entre nous et les regards et opinions, même non exprimées, des personnes averties pèsent sur notre tentative de surmonter l'épreuve ensemble. Réaliser que l'on ne maitrise pas grand chose dans la diffusion de l'information est toujours source d'explication plus ou moins animées dans cet appartement.

Plus personnellement, j'ajouterais que les lecteurs de ce blog membres de ma famille ne sont pas forcément les bienvenus. Je souhaiterais pouvoir écrire sans me censurer, tenir ce blog comme s'il s'agissait de mon journal intime. Ce n'est pas tant que vous soyez au courant de tout qui me gène, c'est que vous réagissiez. J'aimerais pouvoir écrire ce que je pense, ce que je ressens et ce qu'il m'arrive sans que le téléphone sonne.
Un exemple qui a fait que la situation a commencer à sérieusement m'agacer. J'ai hésité avant d'écrire le post "Testostérone", où j'annonce que j'ai reçu le certif' de mon psy, car je n'en avais pas encore discuté avec mes parents. Je leur ai dit au détour d'une conversation mais n'avait pas encore eu l'occasion de leur expliquer; c'est que içi pour communiquer il faut prendre 1000 précautions, jauger l'humeur des interlocuteurs, attendre le bon moment (pas devant les boites d'Arthur, malheureux!...)... Mais comme c'était important pour moi, et que mes doutes et reflexions sur le sujet devaient s'exprimer au risque de s'oublier, j'ai finalement laisser courir mes doigts sur le clavier. C'est ainsi que l'information est passé de mon blog à ma tante puis de ma tante à ma mère. Et c'est le soir-même que le sujet s'est imposé dans un contexte peu favorable: je rentrais d'une journée de 10h de travail, tombant de fatigue, Maman voulait m'engueuler pour un papier trouvé dans ma poubelle preuve d'une "connerie" faite il y a quelques mois et Papa avait quelques problèmes plus importants qu'à l'habitude. Cela aurait forcément pu mieux se passer...
J'ai voulu relater cet épisode plus tôt, mais alors que je rédigeais un message personnel à ma tante pour lui expliquer tout cela, mon cousin m'a stoppé sur msn:

31/03/2006: Mon cousin ne souhaitant pas que notre conversation msn, à caractère privé, soit divulguée dans un domaine publique, je censure ce passage.


Voilà ce que j'avais à dire, et pourquoi j'ai hésité à la faire.
Petite précision, il y a des variations entre la vision des choses de mon cousin et celle de ma mère, mais il y a déjà assez de souçis pour ne pas polémiquer là dessus!




Je m'excuse sincèrement pour tous les souçis et toutes les peines que je cause mais je ne m'en sens aucunement responsable, je n'ai aucune maitrise sur les répercussions de mon histoire ; chacun gère à sa manière le fait d'avoir un trans dans sa famille et je ne suis pas blâmable pour tout ce qui est de l'ordre du ressenti personnel...
(C'est ce que je me raconte en tout cas pour arrêter de culpabiliser.)

27.3.06

Ma vie, mon blog

Ca peut paraitre bête mais je tiens à préciser que ma vie ne se résume pas à mon blog! Donc qu'il ne suffit pas de faire un tour içi pour prendre de mes nouvelles... Ma vie ne se résume pas à ma transition tout comme ma personne ne se résume pas à mon identité trans. À bon entendeur!
Maintenant je réalise que, si ce blog a été conçu à la base pour moi-même, comme un journal de bord, puis pour mon entourage, pour qu'ils soient au courant de l'actualité de ce tout ce pan de ma vie, il est aujourd'hui lu par de parfaits inconnus! Je ne vous connais pas, et vous savez déjà beaucoup de choses sur moi... Alors je vais completer içi la fiche d'information et donner de plus amples nouvelles à ceux qui ne prennent pas la peine de téléphoner ;o)

Eric, 18 ans. Caroline pour l'Etat Civil. Je vis en banlieue parisienne, dans le 92, Boulogne-Billancourt plus précisément. J'ai eu mon bac ES l'année dernière. J'ai fait un semestre de psychologie depuis. J'ai laché la fac. Je suis actuellement commis de cuisine. Détaillons un peu comment j'en suis arrivé là:

De ma petite enfance à aujourd'hui j'ai aspiré à des métiers et des carrières aussi divers et variés que: détective privé, pompier, coiffeur pour hommes, ermite (ce n'est pas un métier mais c'était "ce que je voulais faire plus tard"), archéologue voir paléontologue, reporter, garde-forestier, berger, écrivain public, photographe, agriculteur, chauffeur de taxi, militaire, père au foyer, cordiste...

Militaire. Le seul projet d'avenir que j'avais sérieusement étudié. L'année dernière, tout était clair pour moi: une fois mon bac en poche, je prends quelques mois pour me mettre à niveau physiquement (et aussi un peu me la couler douce...), puis prépa militaire; ensuite j'envois mon dossier, je passe les tests de recrutement haut la main et j'intègre l'école de sous-officiers de Saint Maixent.
Et puis j'ai réalisé que je n'étais pas cinglé en me pensant garçon, que j'avais le droit de me dire homme même si je ne suis pas "bio", que je pouvais le devenir en adaptant mon corps à mon identité. En décidant d'entreprendre ce parcours, il m'a fallu abandonner le projet d'entrer dans l'armée... Je m'y suis désespérement accroché durant un petit bout de temps tout de même, avant de me résoudre au fait que je ne pouvais pas accorder transsexuel et militaire.
Du coup j'ai été un peu paumé. Cela m'a soulagé de savoir ce que je voulais être, mais j'ai du me remettre en question pour trouver ce que je voulais faire.

Septembre 2005, je rentre à la fac de psycho de Paris V, un peu par hasard. Ca m'intéresse, je suis les cours durant un semestre, tout en étant bien conscient que je ne resterais pas là dedans. J'ai laché en janvier: les nouvelles matières au programme m'ont rebuté et quitte à "perdre" une année, autant travailler.
J'ai vaguement cherché un job durant 2 mois, puis "l'occasion s'est présenté" d'être commis de cuisine dans un restaurant gastronomique. J'avais de bon à priori sur le métier, et il ne m'a pas déçu, bien au contraire. À présent j'envisage très sérieusement de continuer là dedans...



26.3.06

Nouvelles du jour

Je suis allé ce matin au salon des formations de l'hotellerie-restauration, accompagné de Tonce et Alex, afin de me renseigner sur plusieurs écoles de cuisine. Trois écoles ont retenus mon attention ; à chaque entretien, j'ai du remplir une fiche pour que l'on m'envoie de la documentation ou pour que l'on suive mon dossier... "Nom, prénom?": par deux fois, je me suis présenté en tant qu'Eric. J'aurais dû dire Caroline, mais lorsque j'entends "jeune homme" je n'ose pas détromper la personne... Idem pour jeune fille d'ailleurs. Dans les deux cas j'ai l'impression de commettre un demi-mensonge. Alors je ne fais que confirmer les impressions. Je ne vais pas de toute façon raconter ma vie au buraliste ou à la caissière, mais ca devient problématique lorsque la personne est responsable des études et se chargera de l'entretien qui déterminera mon admission...

Après le salon, je suis allé à l'anniversaire de ma soeur. Au retour, ma mère m'a expliqué que mon père avait donné une consigne à ceux qui sont au courant: pas un mot sur ma transsexualité. Tant mieux, cela aurait pu me gacher la fête, alors que j'ai passé un bon moment.

Cette semaine, mes parents (mon père, du moins) verront mon psy et mon endocrino. J'attends impatiemment les comptes-rendus...

21.3.06

Testostérone bis

Parce qu'il y a des questions qui sont posées dans les commentaires, et qui sont revenues plusieurs fois dans mon entourage; parce que tout le monde ne lit pas les commentaires, je poste içi la dernière réponse que j'ai écrite à Gabrielle, et qui synthétise toutes les discussions que j'ai pu avoir sur le sujet:

Après un traitement hormonal il y a un retour en arrière relativement possible... on nous dit que non pour que l'on prenne conscience de l'importance de l'engagement, mais seuls certains effets de la testostérone sont irreversibles (copié collé de lazz):
* Pilosité faciale, dans une certaine mesure celle corporelle.
* Perte des cheveux, si elle a eu lieu.
* La voix, à moins qu'elle ne s'était pas véritablement stabilisée.
* La majeure partie de la taille du sexe.
tandis que sont reversibles :
* La prise de muscle.
* La répartition différente des graisses.
* L'arrêt des règles.
* L'aspect de la peau, le changement des odeurs corporelles.
* Les changements émotionnels
* L'augmentation de la libido
voilà voilà... suivre le lien du titre de mon post [précédent]... les poils, la voix... les trans MtF s'en débarassent ou accomodent bien... donc, imaginons une erreur, bien que cela soit exclu içi, mais imaginons quelqu'un qui a reçu un traitement hormonal alors qu'il n'était pas trans mais atteint d'une forme grave de shizophrénie [par exemple]... un retour en arrière semble possible dans une certaine mesure, non sans dégats.

Pour ce qui est du temps avant de pouvoir recevoir un traitement hormonal... faut arreter de se focaliser sur la norme française érigée par les équipes off de manière quasi-artificielle... dans la réalité, cela peut prendre de quelques mois (voir semaines mais bon...) à quelques années.
Cela dépend de la personne (de l'évidence de son syndrome ou de dénuement de tout autre problème psychologique) et du psy. Du pays aussi... Au Royaume-Uni, la "norme" (dans l'équivalent de leurs équipes off, et sous reserves que mes sources n'aient pas quelques trains de retard), c'est de prescrire le traitement hormonal en peu de temps (semaines ou mois) mais d'attendre une ou deux années pour les opérations. Le traitement est jugé mineur par rapport aux opérations et cela permet de juger si le désir de la personne d'appartenir à l'autre sexe peut s'ancrer dans la réalité, en la laissant dans l'apparence choisie durant un certain laps de temps, mais sans recourir à des changements totalement irreversibles. Bref, c'est vers ce parcours là que je tend; quand le psy me donne son accord, ce n'est pas "bon voilà vous avez votre papier, aurevoir", c'est un certificat de suivi psychologique. Mes rendez-vous continuerons pendant toute la durée de la transition, et si je venais à claquer la porte du cabinet, mon ordonnance de testo ne sera pas renouvelée...

13.3.06

Testostérone

Extrait du mot doux adressé à mon endocrino de la part de mon psy: "Chère madame, C. C........ présente un authentique syndrome de transsexualisme que je prends en charge sur le plan psychologique blablabla..." Ce qui signifie: je peux commencer le traitement hormonal. J'ai rendez-vous avec l'endocrinologue le 4 avril; on peut supposer que dans la semaine qui suivra j'aurais ma 1ère piqure...

Frissons d'espérance et d'angoisse mélés... Déjà je m'impatiente de constater les effets d'hormones que je n'ai pas encore reçu ! De voir mes poils pousser, d'entendre ma voix muer, de constater les changements dans ma morphologie... Et puis j'angoisse, puisque c'est dans ma nature de toujours tout redouter: le bonheur, l'amour, l'accomplissement... Et j'apréhende certaines conséquences de mon changement.

En vrac quelques pensées partant de ce sujet:
Avoir une seconde puberté, je ne sais pas si cela m'enthousiasme ou me désespère... J'ai vraiment mal vécu la 1ère, bien sûr, comme tout adolescent, mais le fait que cela me plonge dans une féminité qui ne m'allait pas a quelque peu aggravé le malaise. Durant une période -j'étais en 6ème- je ne supportais vraiment pas mon corps; j'avais limité les bains de manière draconienne, ou alors je faisais couler un bain mais ne m'y plongeait pas, juste pour que mes parents croient en ma propreté, je ne me mettais même pas en pyjama, dormant en jeans... Engueulades et sermons de ma mère m'ont changés, j'ai appris à soutenir la vue de mes seins, mes hanches... Et au fil des ans à les soumettre aux regards des autres voir les exhiber... Le même sentiment d'être dans un corps qui ne me convient pas, donc ne m'appartiens pas, m'a fait passer d'un extrême à l'autre. Bref, la puberté qui s'annonce devrait réparer les erreurs de la précédente, donc cela devrait mieux se passer...

J'ai déjà pu constater un changement à mon égard lorsque j'ai coupé mes cheveux et bandé mes seins, puis lorsque j'ai eu l'apparence d'un garçon de 12/14 ans; le regard que les gens portent sur toi dans la rue, la manière dont on t'adresses la parole (ou pas!) lorsque tu rentres dans un magasin, etc., diffère totalement selon qu'on soit une petite fille, une jeune fille de 18 ans "déjà presque une femme..." ou un ado pré-pubère... Dans quelques temps je pourrais constater le comportement de la société vis-à-vis d'un jeune homme. J'ai mis quelque temps à m'habituer au fait que je ne rencontre pas les mêmes réactions qu'avant, dans des situations identiques et somme toute banales -entrer dans une boulangerie par exemple- juste parce que je n'avais plus la même apparence. Même lorsque je passe pour une femme, d'ailleurs, étant alors catégorisé "butch": on est beaucoup moins sympa qu'avec la fille cheveux longs-maquillage que j'étais. Dure réalité de la vie et du diktat des apparences...

Je m'inquiète des changements psychologiques incertains et aléatoires. C'est un effet des hormones non désiré dans mon cas, mais qui sait? peut-être qu'ils me plairont, que je me plairai ainsi changé mentalement. J'espère que je plairai aussi à ma copine, surtout je redoute qu'il en soit autrement! Peut-être parce que justement c'était sa seule objection par rapport à ma transition; c'est légitime d'avoir peur de perdre la personne dont on est tombé amoureux, et c'est ce qui risque d'arriver si, de son point de vue, je change au point de devenir différent... Cela reste ma plus grande crainte: la perdre en chemin alors que je ne peux m'arreter... Contrairement à beaucoup de FtM (d'après Carmelle), je ne souffre pas du syndrôme "béquille", Vivi n'est pas là pour refléter ma masculinité, elle ne fera jamais partie d'un passé, ne serait-ce qu'en tant qu'amie je sais qu'elle restera dans ma vie jusqu'au bout de ma transition et j'espère bien au-delà. Là, le simple fait d'évoquer, d'imaginer le fait qu'elle ne puisse être qu'une amie m'est douloureux... Je ne veux pas qu'elle me quitte et surtout pas qu'elle me quitte pour ça. Hein, Vivi, si l'envie t'en prends, dis que ca n'a rien à voir avec moi, que c'est pour un autre mec, je sais pas, imagine n'importe quoi! Je supporterais mal de te perdre par ma faute, par la faute de ce que je suis ou de ce que je deviens...

Dans cette peur de la perdre en changeant, il y a beaucoup de refus de changer à cause d'un phénomène biologique et non pas par un complexe processus psychologique, par le fruit d'expériences... L'idée que tel comportement ou tel autre est motivé non pas par une personnalité mais par un taux de testostérone m'embête un peu. Pareil pour les oestrogène d'ailleurs: ca m'énèrve d'être irritable juste parce que mes règles arrivent, et ca ne manque jamais (les règles reviennent toujours et l'irritabilité avec...). Attitudes, comportements, réactivité, tout cela devrait être de l'ordre du mental, purement psychologique et culturel !
La seule chose pour laquelle je ne m'offusque pas (si, si, je m'offusque pour le reste ! ) c'est lorsque cela touche à la libido. D'ailleurs, pour cela je suis curieux de voir ce que ça va donner...

6.3.06

Affaires familiales

Cela fait 2 mois et un jour que j'ai annoncé la nouvelle à mes parents. Depuis la situation a évoluée.

Un jour ma mère est rentrée dans ma chambre, et m'a dit son sentiment. Si cela se faisait, ce serait comme si elle perdait sa fille, comme si elle était morte. Elle devrait faire son deuil, et puis faire comme si elle avait adopté un petit garçon. Elle sanglotait. Il y a quelques années, je ne pensait pas que des larmes pouvaient couler sur les joues de mes parents. Pour moi, ma mère ne savait pas pleurer. Et puis c'est arrivé, quelques rares fois. Dans ces moments là, c'est un monde qui s'écroule; je me tiens immobile, interdit, devant cette incohérence...
Puis durant un mois, on en a très peu parlé. Mais de son côté, elle s'informait, elle a demandé conseil: à leur avocat, à notre médecin de famille, au curé... Un dimanche, après sa sieste, elle est venue dans la cuisine, les yeux rouges. Elle voulait reprendre la discussion, mais son chagrin l'interrompait. Je ne suis pas son seul problème, il y a mon père également, mon père qui noie son chagrin dans l'alcool. Pour la première fois depuis ma petite enfance, je l'ai prise dans mes bras. Je m'en suis voulu, je me suis reproché toutes ces peines que je déclenche autour de moi.
Depuis, on en discute plus fréquemment, plus calmement. Mercredi dernier, on a fait le point. Elle a résumé sa pensée sur moi: "Je ne m'oppose pas, mais j'ai peur pour toi. Si dans 10, 20 ans tu es malheureuse à cause de ce choix, je serais encore là pour le constater.", et sur mon père: "Je veux vivre. Je veux vivre..."...

Mon père, lui, n'a quasiment jamais remis le sujet sur le tapis. Un soir une conversation a dérivé là dessus, mais il était saoul, et moi buté... Il avait des phrases qui me mettait hors de moi: "Tu n'es rien!", le ton est monté trop vite et trop haut. Il me disait aussi s'en foutre d'avoir une fille ou un garçon... Mais je sais bien qu'il en est rien. Je connais ses doutes, ses peurs et sa peine grâce à ma mère et à Corinne, mais lui ne m'en parlerait pas. Corinne, c'est une psychologue, amie de son avocat, qui a été embarquée dans l'histoire... Je leur ai passé un livre, "De quoi souffrent les transsexuels?" et je sais qu'il l'a terminé, mais je n'ai pas eu d'écho.
Ce midi mes parents se sont engueulés à mon sujet, ma mère m'a rapporté qu'il lui reprochait d'être "passée dans [mon] camp". Il ne supporte pas de la voir accepter de mieux en mieux quand lui devient de plus en plus réticent, voir refuse catégoriquement à présent...

Voilà où j'en suis, où on en est. Il y a du meilleur et du pire. En tout cas de la peine et des souffrances... Et de l'amour? Aussi, surement...

5.3.06

Retour sur le passé: le 1er pas...

30 Septembre 2005: ma transition a réellement commencée ce jour-là. Le premier acte de ma transformation se déroula un vendredi. Tonce est venue chez moi dans la soirée, et on a regardé Boys don't cry en DVD... Histoire de se mettre dans l'ambiance! Elle devait me couper les cheveux. Le film terminé, elle me demande si je suis toujours décidé. Bien sûr que oui! Bon, j'avoue une certaine appréhension a confier ma coupe de cheveux à une fille n'ayant aucune expérience dans le maniement des ciseaux... Mais c'était pour le délire, le but c'était pas de faire une coupe de cheveux réussie, simplement de tout couper!
Afin de me laisser le temps d'y réflechir encore un peu, et surtout pour assouvir son besoin de nicotine, Tonce se fume une clope sur le balcon. On discute et elle me demande ce que je compte dire à mon frère, présent dans le salon avec sa copine de l'époque... Je lui ai annoncé quelques minutes plus tôt que j'allais me couper les cheveux, expliquant cela par un coup de tête... Concernant un éventuel coming-out, je sais pas. Enfin pas maintenant en tout cas. Dernière latte, on rentre dans l'appart, et là elle me lâche pour aller au toilettes. Bon... Et pourquoi pas maintenant? Sans trop réflechir, je me lance:
"- Huan, si j'vais me couper les cheveux, c'est que je veux devenir un garçon."
Sa réponse est une réplique d'anthologie :o)
"- Attends mais si c'est juste ça... Tu sais dans Hélène et les garçons, José a les cheveux longs!
- [rires]... encore tu m'aurais dit le mec d'Hélène... mais là!"
Je ne me souviens plus du reste de la conversation, des phrases exactes... Je lui ai expliqué que j'étais trans, et ses réponses furent remplies d'inquiétudes quant à mon avenir, mon éventuelle mise en marge de la société... Tonce débarque: "Non mais c'est bon les cheveux ca repousse au pire, moi j'ai les cheveux courts et j'arrive à la suporter!" lol Tonce, on a changé de sujet de conversation là... Elle part se réfugier dans la salle de bain, je la rejoins. Ciseaux, tondeuse, peigne, musique... Tout est prêt. Une dernière photo, et je me fais une tresse.

Quelques minutes avant que les ciseaux ne s'abattent sur cette belle chevelure... Dernière photo de moi les cheveux longs.

Je n'ai pas voulu aller chez le coiffeur pour 2 raisons: d'abord parce que je redoutais que l'on me fasse une coupe courte mais féminine, ensuite parce que je voulais donner moi-même le premier coup de ciseaux.
Mes cheveux avaient quelque chose de sacré. En 4ème je les avais longs jusqu'au fesses et je suis allé(e) me les faire couper chez le coiffeur...j'en suis ressorti(e) avec la coupe de Mireille Mathieux. Traumatisé(e). Plus jamais ça! Il a fallut 2 ans pour retrouver ma crinière...
J'ai donc coupé ma natte moi-même. Mes cheveux incarnaient, à mes yeux, ma féminité tout autant que ma poitrine... Je voulais m'en libérer tout seul! Après cela, psychologiquement, un retour en arrière n'était pas envisageable...
Pour cet acte à la symbolique très forte, la bande-son a été: "Et si je m'en sors" de Julie Zenatti.

Je suis le fruit d'une blessure
Le souffle d'un trop long combat
Dans le silence et sans injure
J'ai grandi dans des draps de soie

Je suis né sans éclaboussure
Regardez-moi, rien ne se voit
Je n'en serai jamais trop sur
De vous a moi je ne sais pas

Et si je m'en sors
Un peu plus fort
Etre normal pour être bien
Effacer quelques lignes de ma main
Mais si je m'en sors
Je veux encore sentir la chaleur
De ce beau matin, ensemble, alliés
Contre un drôle de destin
Drôle de destin...

Il y a des chansons qui me parlent, mais celle là me serait presque adressée...


Sur cette photo je ressemble à pas grand chose. À ce moment là j'ai commencé à flipper sur ma futur tête! Tonce, qui n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait, tentait de me rassurer...
"From Paris to Berlin" résonnait dans la pièce. Le sol se recouvrait peu à peu de mèches brunes, blondes... Alors que maintenant j'ai les cheveux on ne peut plus noirs!




Finalement, j'ai été très content du résultat :o) Merci encore, Tonce ! J'ai recu mon premier avis positif de la part de Caroline (la petite amie de mon frère), et les compliments se sont mis à pleuvoir les jours suivants !

J'ai raccompagné Tonce chez elle, et sur le chemin je me regardais dans toutes les vitrines, tous les rétroviseurs!
En rentrant j'ai tenté une coupe de cheveux.
Et ca a donné cela!
Aucun rapport avec la 1ère photo, et pourtant quelques heures seulement les séparent...




Le lendemain, je marchais à l'Existrans.
La semaine qui suivit, j'ai eu le droit à mon premier "jeune homme"...

3.3.06

Juste une mise au point

Caro n'était que le diminutif de mon prénom. Lorsque j'ai commencé à m'assumer en tant que garçon, je n'ai pas voulu tout bouleverser, pour moi et mon entourage. J'ai conservé Caro, rajoutant juste un T à la fin: un T pour marquer la Transition, la Transformation, pour garder inscrite mon identité Trans.
Carot devient mon pseudo sur internet et mon surnom dans la vie de tout les jours.
Carot, c'est le prénom saïyen de Sangoku dans Dragon Ball Z... Un prénom totalement masculin donc, et super viril! Le prénom d'un personnage qui a été envoyé bébé sur Terre pour la soumettre, et qui est allé contre sa nature de saïyen-guerrier-destructeur pour la protéger. Bref, Carot/Sangoku, c'est un (super-)héros de mon enfance, au même titre que Superman ou Indiana Jones...




Eric, ca sera le prénom inscrit sur mon état civil lorsque tout sera fini.
Eric parce que c'est le prénom que j'utilisais étant môme dans les jeux de rôles.
Ce prénom me plaisait beaucoup, d'une part parce que c'est celui de mon parrain, d'autre part à cause du Prince Eric dans la Petite Sirène... Non pas que j'adorais le dessin animé, mais j'ai reçu en cadeau la poupée Barbie-Arielle la petite sirène accompagnée de son Prince. Arielle est très vite passée à la trappe (dès que la queue de poisson a cessée de m'amuser), Eric est resté et a vécu des centaines d'aventures entre mes mains! Petit j'ai voulu être capitaine de bateau, peut-être pas à cause de lui mais comme lui en tout cas, avec les mêmes habits et tout et tout :o)...
Dans la cour de récré j'empruntais donc son nom ou son identité: "et on dirait que je suis un prince et que je m'appelle Eric et on dirait que je te fais la cour en patin à roulettes avec un bouquet de fleurs bleues et jaunes" ^^!!
Eric, c'est l'enfant que j'étais... et que j'espère je resterais!


Finalement, que ce soit Carot ou Eric, je les ai choisi parce qu'ils me plaisent bien sûr, mais surtout par souci de ne pas marquer de totale rupture avec mon passé; me créer une identité totalement artificielle n'aurait aucun sens. C'est aussi une certaine forme de retour aux sources...

2.3.06

De l'évolution des mentalités

Ce matin, je suis allé dans un lycée pour faire une intervention contre l'homophobie en tant que bénévole du MAG, une association de jeunes gays et lesbiennes. Seule l'homosexualité a été abordée, je ne me présente pas en tant que trans.
Quand j'entends, dans des classes de 1ère, de Terminale, des élèves qui nous disent "les homos ils sont pas normals, c'est pas naturel, la nature c'est une fille un garçon, c'est fait pour s'emboiter"..."ouais mais les homos ils savent très bien qu'ils sont pas acceptés, c'est de leur faute s'ils sortent et qu'ils se font agressés"..."ma nièce, elle a 5 ans, je l'ai surprise en train d'embrasser une de ses copines, je lui ai mis une tarte!"...etc. (j'en passe... et des meilleurs!)...je flippe un peu. On a souvent l'impression, peut-être parce qu'on est dans notre cocon, peut-être parce que c'est vrai dans notre entourage direct, dans la sphère où l'on évolue, que la société, ses mentalités, ses moeurs ont progressées. Pas partout, pas pour tout le monde.

Va leur expliquer après, qu'est-ce que la transsexualité, qu'il faut tolérer et respecter les trans...